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nôtre que de simples chefs de bureau. Il était préférable de confier la fonction de chef de la Banque à un ministre, qui n’aurait pas le temps de s’occuper des détails[1]. Bismarck eut cependant assez d’impartialité pour rendre hommage aux talens et aux services de Hansemann. La Chambre approuva le texte du rapport sans passer à un vote. Quelques jours plus tard, le chef de la Banque de Prusse apprit que le Ministère avait résolu de le destituer, afin de donner satisfaction à ses adversaires, et que l’on s’appuyait sur l’opinion exprimée par le comité central des actionnaires en 1850. Il prépara un mémoire, dans lequel il faisait ressortir l’illégalité de l’avis des actionnaires et montrait tout ce qu’il avait fait pendant deux ans et demi. Il n’eut pas le temps d’expédier son mémoire. Le 6 avril, il reçut communication d’un arrêté royal daté du 2 avril, qui nommait à sa place le ministre du Commerce van der Heydt, « afin d’écarter la contradiction entre la Constitution et l’article 48 des statuts de la Banque, » et le mettait en disponibilité avec un traitement de 2 000 thalers.

Hansemann écrivit au ministre du Commerce d’Autriche, von Bruck : « Le fait que moi, constitutionnel gouvernemental et conservateur, ai pu être destitué pour des motifs politiques, vous fait voir notre situation. Jamais le parti des hobereaux n’a eu plus d’influence, jamais il n’a conçu de projets plus audacieux. » Il était étrange, en effet, que les adversaires du régime constitutionnel eussent employé contre lui de prétendus scrupules constitutionnels. Sa carrière de fonctionnaire était finie : il allait consacrer les années qui lui restaient à fonder une institution privée qui a été très utile au développement financier et économique de son pays et qui est aujourd’hui parmi les plus puissantes de l’Allemagne


II

Au milieu du XIXe siècle, l’organisation du crédit était bien incomplète ; on ne connaissait pas ce réseau serré d’établissemens, d’associations, de maisons qui mettent des capitaux à la disposition non seulement du grand commerce et de la grande industrie, mais encore des producteurs et des négocians de petite

  1. C’est la solution que Bismarck a fait prévaloir plus tard ; le chef de la Banque d’Allemagne est le chancelier de l’Empire.