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Frédéric-Guillaume se fut séparé de ses anciens conseillers, qu’il eut essayé d’un ministère Arnim, il dut se décider à prendre un ministère bourgeois, présidé par Camphausen et dans lequel David Hansemann reçut le département des Finances : ce ministère devait guider les premiers pas de la Prusse dans la voie de la liberté constitutionnelle ; il l’eût fait aisément dans des temps calmes, il ne fut pas à la hauteur de la situation dans une période troublée, au milieu des intrigues de la Cour, des réactionnaires et des revendications tumultueuses du radicalisme. Les démocrates qui s’étaient réjouis de l’arrivée de Camphausen et de Hansemann au pouvoir et qui les considéraient comme les sentinelles de la révolution, eurent vite une déception. La tâche du cabinet était double : d’une part rétablir l’ordre, le respect de l’autorité et de la loi, de l’autre, exécuter les réformes libérales.

Pour le ministre des Finances, la situation était particulièrement difficile : à des travaux de réorganisation dans son propre département[1], vint se joindre le souci de la crise qui avait éclaté à peu près partout et qui était surtout menaçante dans la province rhénane. Dès le 29 mars, la maison de banque Abraham Schaaffhausen, de Cologne, suspendit ses paiemens ; le nouveau ministère venait de se constituer, lorsque Hansemann reçut une dépêche du président de gouvernement, lui demandant une avance de 300 000 thalers pour empêcher un désastre ; le même jour, les trois principales maisons de Cologne, Oppenheim, Herstall et Stein s’adressèrent à Hansemann pour qu’il fit transférer 2 millions de thalers à la succursale de la Banque de Prusse. Dès le 31 mars, des sommes considérables furent envoyées. Sur le conseil du ministre, la maison Schaaffhausen fut transformée en société par actions, les créanciers reçurent des actions pour le montant de leurs créances, l’Etat garantit l’intérêt pendant quelques années sur 2 150 000 thalers. Les statuts du « Schaaffhausensche Bankverein » furent confirmés par arrêté royal, le 28 avril 1848 : cet établissement existe encore aujourd’hui et il est au nombre des plus considérés et des plus puissans de l’Allemagne. La crise sévit principalement encore à Berlin et en Silésie : le commerce et l’industrie réclamaient du crédit et plus

  1. Il s’agissait de mettre sous la direction du ministre des Finances l’administration de la dette, celle de la Trésorerie, qui étaient demeurées indépendantes jusque-là et de détacher de son Ministère, le commerce, l’industrie, les travaux publics.