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Combien de milliers et de milliers de travailleurs, de mineurs, de mécaniciens, de surveillans, de voituriers, de comptables, de correspondans, d’agens, de praticiens et d’employés de toutes sortes, de tout ordre, de toute race, trouvent là leur subsistance ! Les millions dépensés pour le combustible ; les millions dépensés pour l’eau ; l’étendue d’activité, de richesse et de vitalité impliquée par ces dépenses ; l’énormité des intérêts engagés, la violence de la lutte et des espérances, l’explosion et l’expansion laborieuses auxquelles ils donnent lieu, prouvées par la dureté même des lois et le peu d’intimidation qu’elles exercent ; tout cela révèle déjà une formidable course à la vie, et nous allons même la voir prendre, sous certains rapports, des proportions qui touchent au fantastique !


IX

En 1867, des enfans Boërs trouvaient, au bord du Waal, un diamant qui était vendu 500 livres, et un nègre, un peu plus tard, y découvrait une grosse pierre qui était achetée, non plus 500, mais 11 500 livres, 287 500 francs…

Immédiatement, le bruit se répand partout que les rivières du Cap roulent des pierreries, qu’on les y pêche comme du poisson, que leurs sables en sont pailletés, et un extraordinaire exode, un exode de légende, se produit dans le monde entier. De tous les côtés, sur tous les points du globe, des émigrations se lèvent, pour se précipiter vers ce grand miroir à alouettes qui s’est mis à tourner au bout de l’Afrique. Le Karao, un désert de mille kilomètres, précède ces régions de conte bleu, qu’on baptise tout de suite les « Champs-de-Diamant, » mais rien n’arrête les émigrans, dont l’invasion s’avance, au milieu des sables, en interminables files de piétons et de charrettes, où se mêle tout ce que l’ancien et le nouveau Continent dégorgent et épandent d’aventuriers de tous les sangs et de tous les genres, blancs, noirs, métis, marins, soldats, pionniers, forbans, faillis, déserteurs, chercheurs de chimères, évadés de tous les bagnes, échappés de tous les métiers et de toutes les civilisations ! Les plus dépenaillés vont à pied, et une bonne partie meurt en route, de faim, de soif, mangés ou piqués par les bêtes. Toutes ces bandes disparates forment, là où elles s’arrêtent, comme des villages volans, et ne repartent jamais sans laisser un cimetière.