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corrige le travail d’un quatrième, ou délivre, à d’autres momens, par un guichet donnant dans l’atelier, les plaques ou les laitons de platine ou d’or conservés dans le coffre-fort d’un petit bureau grillagé. Le travail, le matin, commence à huit heures, et finit le soir à six. Pour ménager la vue des ouvriers, des globes pleins d’un liquide vert, comme ceux des pharmaciens, interceptent et tamisent, quand on doit les allumer, la lumière des becs de gaz. Il ne règne plus alors qu’une clarté légèrement glauque, où l’équipe tord ses laitons, coupe ses plaques, ou sertit ses pierres. Tout l’atelier vous apparaît comme à travers une vitre verte.

Combien donc, uniquement chez le joaillier, d’après la physionomie même de cet atelier, et rien que pour monter la parure, ces vingt ou trente ouvriers exercent-ils de métiers ? Combien d’heures ou de journées passent-ils à façonner l’armature et à l’assembler ? Combien de pierres y incrustent-ils, et combien gagnent-ils à l’heure, à la pierre ou à la journée ? A combien de travailleurs, à quels travailleurs, et pendant combien de temps, la monture seule du collier assure-t-elle ainsi l’existence, et quelle existence leur assure-t-elle ?

En premier lieu, d’abord, on voit que les ouvriers reproduisent des modèles, et ces modèles, nécessairement, impliquent des dessinateurs. Parmi les ouvriers, ensuite, les uns façonnent l’ossature au moyen de plaques ou de laitons : ce sont les joailliers proprement dits. D’autres disposent les pierres, et les fixent dans leurs alvéoles : ce sont les sertisseurs. En outre, comme on a encore dû le remarquer, l’ossature est faite de fragmens rapportés, et n’est remise aux sertisseurs qu’après avoir passé par le polissage. Tout le collier, enfin, une fois monté, est de nouveau repoli. On lui fait une dernière toilette. Un quatrième métier, la polisseuse, qui travaille dans un atelier à part, s’ajoute ainsi encore aux autres, et voilà déjà des dessinateurs, des joailliers, des sertisseurs, des polisseuses, qui vivent, non de la parure elle-même, mais d’un accessoire de la parure. Et dans quelle mesure ? On en peut juger par le devis d’un collier dit « tapisserie, » établi dans une grande maison de Paris, et d’une valeur de 70 000 francs. La confection même de l’ossature y représente 1 277 heures de travail à 1 fr. 50 l’heure, c’est-à-dire 1 915 fr. 50, l’assemblage 100 francs, le polissage 73 journées de polisseuse à 5 francs la journée, c’est-à-dire 365 francs, et le