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IV

Il serait inexact de dire que les passions étaient devenues plus vives que sous la Fronde, époque ardente entre toutes, mais elles avaient certainement changé de caractère, comme les goûts et les idées, la littérature, les modes en général. C’est le cours naturel des choses, et l’on a vu que le mouvement s’était précipité sous l’influence d’un monarque tout-puissant, déterminé à effacer le passé. Un événement artistique que l’on ne saurait négliger avait favorisé les desseins de Louis XIV, en ouvrant des perspectives ignorées aux curieux de sensations nouvelles, déjà nombreux au XVIIe siècle. La musique dramatique avait fait son entrée dans le monde moderne. Elle lui apportait, selon le mot de l’un de ses historiens, M. Romain Rolland[1], son « pouvoir illimité » pour exprimer les passions, et, dans les passions, ce qui en demeure incommunicable avec le seul secours du langage. Que l’on aime ou non la musique, on doit comprendre qu’une découverte de cette nature exerce forcément une action sur la partie raffinée d’une nation. La société française n’y avait pas échappé. L’art nouveau était en train de modifier l’état nerveux, si j’ose ainsi parler, du monde où grandissaient, sous la protection royale, des idées plutôt périlleuses sur les droits de la nature et la fatalité de la passion. Il rendait de jour en jour ce milieu plus impressionnable.

La musique dramatique est née en Italie ; cela va de soi. En 1597, un soir de carnaval, un riche Florentin fit jouer dans sa maison, devant un auditoire de choix, une tragédie en musique appelée Dafne, dont la partition est perdue. D’après l’un des invités, << le plaisir et la stupeur qui saisirent l’âme des auditeurs devant un spectacle si nouveau ne se peuvent exprimer. » M. Romain Rolland confirme ce témoignage : — « Ce fut un coup de foudre… Il n’y eut personne qui ne sentît qu’on était en présence d’un art nouveau. » En dix ans, l’opéra italien eut pris toute son ampleur, grâce à un compositeur de génie, Monteverde, dont l’Ariane fit éclater en sanglots, le soir de la première, un auditoire de plus de six mille personnes. L’art du

  1. Histoire de l’Opéra en Europe, par M. Romain Rolland. — Cf. Histoire de la musique dramatique en France, par Chouquet et les Origines de l’opéra français, par Nuitter et Thoinan.