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reprit Alexandre, le plus secrètement possible, si elle vous convient. Donnez-moi celle-ci ou une autre, je vous donne ma parole de la produire comme la mienne, et vous en ferez l’usage qu’il vous plaira. » Puis, il ajouta : « Vous ne pouvez rien craindre, toute mon armée et celle du Roi agiront avec vigueur. Entrez en possession du Tyrol, de l’Italie jusqu’à Mantoue, à votre convenance. Déclarez que vous ne voulez pas faire la guerre à la France, que vous vous placerez entre les puissances qui voudront l’attaquer ; nous vous seconderons en tout. Ensuite, parlez d’un congrès général, et enfin alors vous négocierez dans les formes que vous voudrez. Si l’Angleterre y amenait des prétentions exagérées, eh bien ! nous nous entendrions ; les intérêts du continent avant tout. »

C’était, comme avec la Prusse, de la magnanimité fort habile. Si, l’Autriche entrait dans ces vues, elle se trouverait, de fait, en guerre avec Napoléon, et, de fait, alliée de la Russie et de la Prusse, car elle présenterait aux deux parties, Napoléon, d’un côté, Alexandre et Frédéric-Guillaume, de l’autre, comme ses propres conditions de paix, des conditions concertées avec la Russie et la Prusse contre Napoléon : il n’y aurait plus dès lors qu’à déclarer l’alliance. Lebzeltern le discerna fort bien ; ces propositions paraissaient avantageuses, et il s’empressa de les transmettre à Vienne.

Alexandre se rendit à Breslau le 15 mars. Le 16, la Prusse déclara la guerre à la France. Alexandre demeura près du Roi jusqu’au 19. Ce fut l’occasion d’ovations innombrables, de revues avec grand spectacle d’accolades et de sermens, grand déploiement d’enthousiasme populaire. Les états-majors concertèrent les mouvemens. Les diplomates signèrent une convention qui réglait la conduite des troupes alliées dans les territoires qu’elles occuperaient, et qu’ils divisaient en quatre grandes sections : Saxe, — Westphalie, — Berg, — départemens des bouches de l’Elbe et Mecklembourg[1]. Avis sera donné aux princes de la Confédération du Rhin. Les alliés annonceront que leur objet est la délivrance de l’Allemagne. Ils y convieront les souverains et les peuples. « Tout prince allemand qui ne répondra pas à cet appel dans un délai fixé sera menacé de la perte de ses Etats. » La croisade des rois procédait, comme vingt ans auparavant, les

  1. Conventions des 19 mars et 4 avril 1813.