éternel, que le dernier résultat de l’analyse doive devenir le principe immédiat de la synthèse ; l’esprit humain croit toujours trouver dans les secrets entrevus du fait qu’il ignorait hier l’explication définitive de tous les autres.
La pensée n’est-elle pas une, en effet ? Percevoir, connaître, philosopher, sont des opérations également destinées à mettre de l’ordre dans les sensations de nos sens, de l’unité dans notre expérience et dans notre pensée. Or, le premier moment de ce progrès vers l’ordre et l’harmonie est représenté par la science, laquelle aboutit ainsi à des idées qui la dépassent elle-même, — espace, temps, mouvement, force, — et dont elle ne peut rien dire, sinon qu’elles lui sont nécessaires et qu’elle ne saurait se constituer sans elles. La philosophie est le second moment, l’unité définitive : à elle d’embrasser l’ensemble et de trouver l’idée qui soit la « dernière des idées dernières. » La philosophie, malgré tout, ne peut s’appuyer que sur la science : ce sont les conquêtes de l’une qui, dans l’histoire, ont diversifié les systèmes de l’autre en leur fournissant des principes nouveaux de spéculation. — De quelle science donc Spencer a-t-il été le philosophe comme Descartes avait été le philosophe des mathématiques ?
La physique est la mère de toutes les sciences, a dit Bacon. Et l’on pourrait croire, comme on l’a cru en effet, que Spencer s’est surtout inspiré des données de la physique nouvelle.
Dans les Premiers Principes, ayant passé en revue les vérités fondamentales des sciences, les notions qui leur sont communes, — telles que l’indestructibilité de la matière, la continuité du mouvement, la persistance de la force, — et jugeant que ces vérités sont en étroite relation les unes avec les autres, Spencer ajoute : « Après avoir vu que toutes nos expériences de matière et de mouvement pouvaient se résoudre en expériences de force, nous avons vu que ces autres vérités que la matière et le mouvement ne peuvent pas changer comme quantité sont impliquées dans le principe que la force est invariable en quantité. Nous avons conclu que cette vérité est celle par laquelle on peut prouver toutes les autres, qui en dérivent toutes. »
Il était donc bien naturel, sinon nécessaire, que l’on adoptât d’abord les propres affirmations de Spencer sur sa philosophie, qui ne serait ainsi qu’une combinaison de la loi de gravitation avec le principe de la persistance de la force. Et il est vrai, — comme nous allons voir, — qu’il a fait un très grand usage de ce