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de Digne, Paul Cotte, sent s’éveiller en lui l’énergie républicaine : il s’empare de la demeure vide, escorté de sept personnes, un conseiller général, un propriétaire, un conducteur de trains, un vétérinaire, un ouvrier tisseur, un serrurier, un charron ; les institue « commission départementale » pour administrer le département ; convoque les fonctionnaires ; leur signifie qu’il « se constitue révolutionnairement préfet provisoire, » et les menace de révocation immédiate s’ils ne reconnaissent, séance tenante, cette « dictature révolutionnaire, » comme il la qualifie lui-même. Les fonctionnaires déclarent reconnaître le gouvernement du 4 septembre, mais demandent s’il a lui-même reconnu ce dictateur bas-alpin, faute de cette preuve résistent, en appelant au conseil municipal comme au représentant régulier de l’opinion. Celui-ci, soutenu par eux, essaie de contenir la commission départementale, qui persiste à siéger au nom d’un peuple toujours absent, soit pour la soutenir, soit pour la chasser. C’est au dehors qu’elle trouve des partisans : le 13 septembre, Paul Cotte fait afficher une dépêche envoyée par « l’administration supérieure de Marseille au Président de la commission révolutionnaire à Digne. — Votre devoir est d’imposer la République. Tout citoyen qui transgresse vos volontés sera traité en ennemi de la République. » Les fonctionnaires continuent à ne pas reconnaître le dictateur, et protestent par dépêches auprès de leurs ministres, le secrétaire général de la préfecture, qui est resté à son poste, télégraphie à l’Intérieur : « La soi-disant commission départementale, réduite à trois ou quatre hommes, par le départ du peu d’hommes raisonnables qu’elle renfermait, entrave de la façon la plus absolue tous les services publics, et en particulier le service de la guerre et le service financier. Toutes les patiences sont à bout. Envoyez un préfet de suite. » Le préfet n’arrive que plusieurs jours après, et se trouve, dès son arrivée, « seul maître dans le département[1]. » Malgré les provocations, les conflits et le langage incendiaire, le feu ne prend pas dans ces neiges.

Le Dauphiné est moins calme. Grenoble avait envoyé au Corps législatif un député d’opposition et le conseil municipal était républicain. Ce n’était pas assez pour une partie des habitans, prolétaires avec les ouvriers gantiers qu’employait la principale industrie de la ville. Vogeli, ancien vétérinaire de l’armée,

  1. Id., 737-741.