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VI

Protégée au Nord contre l’invasion par le cours de la Loire, les halliers de la Bourgogne, le plateau de Langres, les Faucilles et Belfort, limitée au Sud par l’estuaire de la Gironde, le cours de la Dordogne, les sommets méridionaux de l’Auvergne et des Alpes, s’étend, de l’Océan à la Suisse et à l’Italie, une autre France. Le sol monte d’un mouvement général vers le Sud-Est. Depuis les régions à demi submergées du marais Vendéen et les plaines de la Sologne aux eaux stagnantes, il s’élève aux collines du Poitou, du Berry, du Nivernais ; celles-ci contournent de leurs assises les plateaux tourmentés du Limousin, de la Marche, du Bourbonnais, eux-mêmes contreforts du plateau central qui domine par ses plus hauts remparts les plaines du Midi. Ces altitudes, coupées d’une longue et large brèche, s’abaissent par les pentes brusques des Cévennes jusque dans la vallée du Rhône, mais pour se relever sur l’autre rive du fleuve et monter plus haut encore, aux plus grands sommets de l’Europe. C’est aussi de l’Europe la région qui rapproche et étage dans le plus étroit espace les variétés les plus diverses de relief, de nature et de produits : là se touchent et se superposent toutes les sortes de travail, depuis les prisons souterraines des mines jusqu’au parcours pastoral des montagnes. Cette diversité de la nature et des existences marque sa trace dans le caractère des populations.

Sur les rivages de la Vendée et de la Saintonge, les pêcheurs et les paysans connaissent les mêmes périls de la mer et la même ingratitude de la terre que ceux de Bretagne, demandent aussi peu à la vie et attendent aussi peu du pouvoir. La résistance à l’étranger occupe tout leur courage, mais le souvenir de la guerre civile que leurs pères soutinrent sur le sol natal, contre « les Bleus » proteste encore contre la République[1]. Plus étrangers

  1. Les préfets de ces départemens ne s’illusionnent pas sur ces dispositions. Aucun ne dit que la Révolution fut désirée où il l’apporte. Ils constatent les répugnances qui les attendent, et n’espèrent pas plus qu’être acceptés. Le préfet de la Vendée rend témoignage au patriotisme des mobiles « peu équipés, peu exercés, mais très ardens. » « Les hommes sont superbes, pleins de force et d’enthousiasme. » Mais « on s’était fort effrayé de la proclamation de la République. » Dépêches des 12 et 13 septembre, id., p. 1418. — Le préfet de la Vienne à Poitiers, 8 septembre. Installé à la Préfecture de la Vienne sans difficulté. Département paraît paisible. » Id., p. 1423. — Le préfet de la Corrèze : « Tulle, 8 septembre. L’esprit de la population est excellent à Tulle comme à Brive, où j’ai passé la journée d’hier, à Ussel et dans tous les centres un peu importans. L’esprit s’améliore dans les campagnes. » Id., p. 913. — Le préfet de l’Indre : « Châteauroux, 11 septembre. Les bourgeois sont rassurés, c’était là le premier point… » Id., p. 1063.