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pour lui rendre le recul impossible, et, avec un pontife aussi soumis que Pie X aux seules inspirations religieuses, il est à craindre que nous n’aboutissions à un non possumus attristé, mais résolu. Alors on renverra le nonce ; on rappellera toute notre ambassade ; il n’y aura plus ni explication nouvelle, ni conversation d’aucune sorte. Avec un autre gouvernement, ce serait la guerre. Avec le Pape, que sera-ce ? Évidemment il ne fera pas la guerre, lui ; mais on la fera à tout ce qu’il représente, ou plutôt on la continuera avec un redoublement d’ardeur. Peut-être la dénonciation du Concordat, énergiquement voulue par les uns, faiblement combattue par les autres, sortira-t-elle de là comme une conséquence qui s’échappe toute seule des prémisses. Cependant on ne saurait se passer de l’intervention des Chambres. Le Concordat, en effet, n’est pas seulement un traité, il est une loi, et par conséquent il ne peut être défait que par une autre loi. Mais ce n’est pas une garantie bien rassurante. Les deux Chambres ont montré jusqu’ici qu’elles tenaient au maintien du régime concordataire. Malheureusement les Chambres, quelquefois, ne sont pas plus maîtresses d’elles-mêmes que le gouvernement n’est maître de lui ; il leur arrive, à elles aussi, d’obéir à une minorité violente ; leurs discussions ne sont pas sans surprises, même pour elles, et on les a vues souvent se laisser aller à des entraînemens ou à des emporterons dont elles sont les premières étonnées et effrayées le lendemain. Impressionnabilité et inconsistance des Chambres ; résolution de la part du gouvernement de pousser les choses à bout ; enfin, à Rome, appréciation insuffisante de notre situation intérieure et des ménagemens qu’elle exige : tels sont les périls de l’heure présente, et ils sont grands.

Nous ne sommes qu’au commencement des vacances parlementaires. Si l’on en juge par le langage de la presse radicale-socialiste, elles seront remplies par une active campagne en vue de préparer la Chambre à commettre, dès sa rentrée, l’acte décisif qu’on attend de sa faiblesse. Il est convenu que le Pape a déchiré lui-même le Concordat, qu’il a offensé la France, enfin qu’on ne saurait s’abstenir de relever le gant qu’il nous a jeté. Nous avons dit combien tout cela est dénaturé ; mais ce n’est ni des radicaux-socialistes, ni de M. Combes, dont ils disposent, qu’il faut attendre de la bonne foi. Leur parti pris est arrêté. On aurait étonné le plus grand nombre d’entre eux, et M. Combes lui-même, si on leur avait dit qu’ils en viendraient si vite au point où nous les voyons arrivés ; mais leurs succès passés les enivrent et ils ne savent plus où ils s’arrêteront. Ils avaient cru