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ment ses créatures, le désir de se créer une clientèle personnelle dans l’épiscopat sans se préoccuper beaucoup de la manière dont elle serait recrutée, et, qui sait ? peut-être l’arrière-pensée de pousser à une sorte de schisme ou de constitution civile du clergé, — ce qui ne serait pas extraordinaire de la part d’un ancien séminariste comme M. Combes, — tout cela réuni laissait peu de doutes, ou même n’en laissait aucun, sur l’attitude qui serait prise à Paris. En s’adressant à M. Combes et en sollicitant sa protection contre le Pape, Mgr Geay savait fort bien que M. Combes ne permettrait pas qu’on touchât à sa mitre. Quant au Pape, comment s’y serait-il trompé ? Ne savait-il pas que toute entente serait impossible pour la destitution d’un évoque, puisque, depuis de longs mois déjà, elle est impossible pour leur nomination ? Sept ou huit de nos diocèses sont en ce moment sans évêques ; ils sont administrés par des vicaires généraux. Pourquoi ? parce que le gouvernement de la République a constamment nommé des prélats auxquels le Pape n’a pas cru pouvoir conférer l’investiture canonique. Le Pape a-t-il tort ou raison dans ses résistances ? Nous ne l’examinons pas, mais il y a là un conflit de plus, et il en résulte une tension qui s’aggrave de jour en jour dans les rapports des deux pouvoirs. Il faudrait, pour ramener la concorde, que le Pape et M. Combes y missent également du leur et consentissent à ne pas pousser à l’extrême ce qu’ils considèrent comme leur droit. Nous ne savons pas quelles sont, à cet égard, les dispositions de Pie X : celles de M. Combes ne sont pas douteuses, elles se manifestent avec une évidence qui ne laisse rien à désirer. M. Combes prépare la rupture. Ne vient-il pas de dire, dans son discours de Carcassonne que la séparation de l’Eglise et de l’État était « dans les vœux de tout le parti républicain. » Aussi n’avons-nous pas plus d’illusion que le Saint-Père, et sommes-nous convaincus comme lui que toute tentative d’accord aurait été vaine pour la destitution de l’évêque de Laval. Mais ce n’était pas une raison pour ne pas la faire, et, en la faisant, le Pape aurait mis le bon droit de son côté, dans la forme comme dans le fond, ce qui n’est pas négligeable dans un siècle et dans un pays où l’opinion est tout.

Quoiqu’il en soit, nous pourrions être avec notre gouvernement et reconnaître le bien fondé de quelques-unes de ses revendications si nous n’apercevions pas aussi nettement le but auquel il tend. Le Concordat, dit-il, a été violé ! et les journaux radicaux-socialistes répètent avec horreur : Le Concordat a été violé ! C’est là un bien grand mot pour un manquement dont on exagère singulièrement l’impor-