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réduisirent trop l’ampleur du rôle que peut jouer la greffe. Il fallut une longue suite de travaux et de recherches patientes dus à des savans de premier ordre pour remettre les choses au point et pour rendre manifeste l’influence modificatrice de cette opération horticole. L’Anglais Knight, en 1795, mit hors de doute l’action exercée par le sujet porte-greffe sur les qualités du fruit. Le célèbre professeur de culture du Muséum, Thouin, constata l’influence qu’exercent l’une sur l’autre deux espèces telles que l’abricotier et le prunier greffés sur un même sujet. Gaeriner en 1849, Caspary en 1865, Darwin en 1868, le botaniste Strassburger en 1884, apportèrent des argumens irrésistibles à l’opinion que la greffe entre plantes appropriées était capable d’introduire dans leur constitution des modifications très étendues et de valeur spécifique et qu’on peut former, par ce procédé, des types intermédiaires, c’est-à-dire des hybrides véritables.

Il y a, en effet, des exemples célèbres d’hybrides obtenus par greffage. Tels sont, parmi d’autres, la fameuse espèce d’oranger de Florence, la Bizarria, le cytise d’Adam, et le néflier de Bronvaux. — Le jardinier qui a créé la Bizarria à Florence, en 1644, déclara l’avoir obtenue de greffe. Le jardinier eut l’idée de semer les graines du greffon et il en sortit un arbuste qu’on a propagé par bouture depuis lors. Cet arbuste bizarre participait à la fois du citronnier et de l’oranger. Il portait des rameaux de trois espèces, les uns, chargés de fruits analogues à l’orange amère, d’autres semblables au citron, d’autres enfin intermédiaires entre l’orange et le citron. Cette disjonction des caractères des deux espèces est un trait propre aux hybrides de greffe.

Le cytise d’Adam n’est pas moins fameux. Il a provoqué tout autant de discussions et de débats. Un habile horticulteur, Adam greffa, en 1825, un cytise pourpre (C. purpureus) sur le cytise ordinaire (C. laburnum). Ce sont là deux espèces naturelles et assez différentes. L’écusson, après avoir boudé un an, développa un rameau, entre autres, qui fut l’origine de l’arbrisseau célèbre qui a été nommé Cytisus Adami. Il offre un curieux spectacle. Il montre en effet, réunis sur un même pied, trois ordres de rameaux différens ayant respectivement les caractères de l’une des espèces parentes, de l’autre espèce, et des caractères intermédiaires et fusionnés ; les premiers sont chargés de fleurs jaunes, les autres couronnés de fleurs pourpre, et les derniers portent des grappes et quelquefois des fleurs mi-partie jaunes et rouges. On retrouve ici la disjonction de caractères qui appartient à l’hybridité par greffes. Quelques personnes