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être relativement facile, quand d’ailleurs on a le don d’éloquence, et l’esprit tourné à ces exercices, il est peut-être doux, du promontoire tranquille où l’on s’est hissé, de souffler des mots de tempête sur la foule frémissante, — et, jouissant de la voir s’agiter, comme une mer qui se creuse et s’enfle, à ce souffle, — d’arracher aux femmes des larmes de douleur, et aux hommes des cris de révolte : « Pauvre tisserand, c’est ton linceul que tu tisses ! » Mais, outre que c’est une chanson déjà vieille et que Thomas Hood, par exemple, avait déjà chantée, dans son Chant de la Chemise :

Couds, couds, couds toujours…
Tu couds avec un fillit double
Un linceul en même temps qu’une chemise,

ce n’est ni avec des chansons, anciennes ou nouvelles, ni avec des larmes, ni avec des cris, qu’on résoudra le grand problème. On ne le résoudra pas par la guerre, mais par la paix. On ne le résoudra, ou l’on n’approchera de la solution, qu’en prenant une à une tant de petites questions dont il est fait, et en les étudiant une à une, dans la complexité de leurs données, les yeux fixés sur la justice, les mains posées sur la réalité.


CHARLES BENOIST