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nous nous proposions d’arriver. » Il conseille au roi de Prusse de se rendre dans la seule partie de ses États dont il soit maître, la Silésie, le reste étant occupé ou sur le point de l’être par les Français et par les Russes. En Silésie, Frédéric-Guillaume réunirait 50 000 hommes sous le prétexte de défendre la ligne de l’Oder contre la Russie, de soustraire son armée à la contagion de l’exemple d’York. Il détacherait ainsi cette armée de celle que Napoléon rassemblait à Berlin, et, sous couleur d’arrêter les Russes, il se trouverait en posture de leur donner la main.

Les Prussiens ainsi encouragés, enhardis, poussés à la défection, et conduits pour ainsi dire, à la Russie, Metternich insinue à Otto que ces mêmes Prussiens mériteraient une belle récompense de la part des Français : « Il est bien fâcheux, dit-il, que ce duché — Varsovie — ne puisse être réuni à la Prusse, qui serait alors assez forte pour former, de concert avec nous, une barrière contre la Russie[1]. » Sur quoi, tout en les détournant de l’Autriche, il ouvre aux Russes les portes de l’Allemagne et leur fait le chemin. Un rapport de Schwarzenberg, commandant du corps auxiliaire, arrive à Vienne. Il est daté du 8 janvier et relate des ouvertures faites par Anstett, Français de naissance, entré au service russe et ennemi acharné de la France : il expose le désir qu’ont le Tsar et toute l’armée russe de profiter de l’occasion qui se présente, pour renouer les relations ; « que tout était préparé pour faire rentrer l’Autriche en possession de ses provinces cédées ; » que la Russie ne visait qu’à rétablir l’équilibre en Europe ; « que le rétablissement de la Pologne ne pouvait jamais entrer dans ses vues, tout aussi peu que le changement de la dynastie régnante en France, que ces assurances solennelles doivent faciliter infiniment les moyens de s’entendre ; » et, pour conclure, Anstett propose un armistice de trois mois, ayant, dit-il, du maréchal Koutousof les pouvoirs nécessaires pour le signer. Schwarzenberg s’y montre très favorable : l’armistice conserve son armée intacte, arrête les progrès des Russes, dans le duché de Varsovie, aux ci-devant limites de l’Autriche, avant 1809.

C’était devancer les désirs de l’empereur François. L’armistice, très secret, fut signé le 30 janvier, à Zeycz. Il était illimité, un plan de mouvemens concertés y était joint. Dès lors Schwarzenberg se retira méthodiquement devant les Russes. L’Autriche

  1. Rapport d’Otto, 18 janvier 1813.