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55 ans, il y a encore, on vient de le voir, plus de 9 pour 400 d’hommes ; mais, pour les femmes du même âge, la proportion est moins forte des deux tiers : à peine 3 pour 100 ; et, vers la limite, passé 64 ans, il reste plus de 4 pour 100 d’hommes, mais pas 2 pour 100 de femmes à l’usine.

Est-ce que le travail, dans la filature du lin. est très pénible ; et, s’il l’est, pour quelle catégorie d’ouvriers ou d’ouvrières l’est-il plus particulièrement ? Contre lui, on peut tout d’abord invoquer, — et l’on ne s’en est pas fait faute, — ses circonstances mêmes, les circonstances du milieu, ici la poussière, là l’humidité. Il est vrai que, dans la filature au mouillé, ou, pour ne rien dire qui ne soit rigoureusement exact, dans les filatures de lin où le filage se fait au mouillé, et dans l’atelier seul où ce filage s’opère (il n’y a pas d’autre différence entre la filature au mouillé et la filature au sec), la matière préparée pour le métier à filer passant à travers un bain d’eau chaude, il se produit des émanations de vapeur ; comme une haute température est nécessaire, il n’y a point où il n’y a que peu de ventilation ; et comme les fils imprégnés d’eau en rejettent l’excédent, le pavé de la salle est toujours ruisselant. L’odeur du lin roui et trempé, jointe à cette humidité et à cette chaleur, accroît encore pour sa part et l’incommodité et l’insalubrité de l’atelier ; aussi, — c’est l’expression même dont se sert un patron dans la réponse écrite qu’il a bien voulu m’adresser, — « la situation des ouvrières de cette catégorie laisse-t-elle beaucoup à désirer. »

Celle des « gamins » ou « garçons presseurs » ne vaut pas mieux, pour un autre motif. Leur besogne consiste à serrer avec des écrous des plaques de fer entre lesquelles on « presse » le lin pour l’assouplir ; ces plaques pèsent environ quatre kilos ; or, il faut que les garçons presseurs fassent le mouvement de les élever à cinquante ; centimètres au-dessus de leur tête, et répètent ce mouvement trois ou quatre fois par minute pendant toute une journée, de travail continu, ininterrompu, ou qui le serait, si on ne leur donnait, pour souffler un peu, et se déroidir les bras, quinze minutes de repos au déjeuner.

Puisque je vais cherchant la « peine » du travail, dans la filature du lin, la peine du travail est ici ; il faut être juste, elle n’est, si l’on le veut, qu’ici ; mais elle y est, personne ne le conteste, et on ne l’atténue pas en disant des garçons presseurs :