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I. — LE LIN ET LE JUTE

Je viens de dire « la grande industrie, » et je le pouvais, puisque l’on a vu que, soit pour le lin, soit pour le coton, soit pour la laine, soit pour la soie, plusieurs établissemens dans chaque catégorie occupent plus de 500 ouvriers ou ouvrières. J’aurais peut-être dû, me conformant rigoureusement à la règle jusqu’ici suivie, n’observer que des établissemens de cette importance, sans descendre au-dessous de 500. Les circonstances en ont décidé autrement ; mais, comme je ne me suis jamais condamné à ne pas ajouter à l’observation directe l’observation indirecte, lorsqu’il y aurait de bonnes raisons de la croire correcte et sûre ; comme, au contraire, je m’en suis formellement réservé le recours, et que, sur ce point, l’Office du Travail m’apporte, en même temps qu’un supplément de renseignemens, un élément de comparaison avec mes observations personnelles, il n’y a donc que demi-mal, si même il y a quelque mal, et l’erreur, si l’on veut qu’il y ait erreur, se trouve à l’avance réparée.

Au demeurant, la formule : « La grande industrie est celle où le travail se fait par établissemens de plus de 500 ouvriers » ne saurait être pourtant d’une rigidité également inflexible dans tous les cas. Ce qui est vrai des mines de houille, de la métallurgie, de la construction mécanique, ce qui est déjà moins vrai de la verrerie, peut ne plus l’être que très peu ou ne l’être plus du tout de l’industrie textile. Là où il y a des entreprises colossales occupant, comme le Creusot ou comme Anzin, plus de 10 000 ou près de 10 000 personnes, il est clair qu’un établissement qui n’en emploie pas 500 n’est point de la « grande industrie. » En revanche, un établissement de 250 ou 300 ouvriers passera à juste titre pour être de la « grande industrie » là où la plus grande industrie ne dépasse guère ou n’atteint presque pas, — et encore tout à fait exceptionnellement, — 1 000 ouvriers, comme dans la filature et le tissage du lin ; à peine 800, 700, et même 600, comme dans la filature et le tissage du coton[1].

Quoi qu’il en soit, les établissemens que nous avons personnellement observés et que nous allons décrire avoisinent tous

  1. D’après l’enquête de l’Office du Travail, Salaires et durée du travail dans l’industrie française, t. II, p. 292-344.