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n’ai qu’à me louer du public d’ici, même des dames qui viennent contre l’usage à l’Université. Je mène la vie sérieuse et austère que vous m’avez vu mener à Lausanne, — plus austère encore et sans la consolation des soirs. L’autre jour en me promenant une heure seul, sur les collines à demi dépouillées, je récitais cette stance qui contient la moralité sombre des dernières années :


Rien n’est profit à qui ne sacrifie, etc.


Je ne sais si j’aurai un moment à moi pour aller à Paris d’ici à la fin de l’année scolaire : le trajet est court, mais c’est fatigant, et je ne suis pas assez en avance pour pouvoir profiter des petites vacances que se ménage l’Université à Noël. Nous verrons à Pâques. Chers amis, ne m’oubliez pas : écrivez-moi quelquefois, cher Olivier. Si Mme Olivier voit Mme Valmore, qu’elle lui dise mes respectueuses tendresses ! J’écrirai à Mlle Ondine : mais le temps manque.

Adieu, chers amis, je vous embrasse, ainsi que Mlle Thérèse s’il lui plaît, et les enfans.

Où en est l’Ecole administrative ?

Si Olivier voit M. Lutteroth, il serait bien bon de dire à ce dernier qu’il veuille bien presser l’insertion dans les Débats de l’article que j’ai fait imprimer avant de partir de Paris sur le Pascal de M. Vinet et qui court risque d’attendre indéfiniment si M. Lutteroth n’use de son influence. Mille amitiés encore.


1849


Liège, ce 5 février 1849.

Chère Madame,

Votre lettre est bien bonne, et la bienvenue. Je pense bien souvent à vous dans ma triste vie. Je n’ai plus pourtant, comme je l’avais encore à Lausanne, le don de souffrir et de jouir ; il semble que j’aie épuisé ma dose, et que la lampe ne se renouvelle plus. Je travaille, mais sans bonheur ; je n’ai d’autre désir que d’achever ce que j’ai entrepris. Je n’ai formé ici aucune liaison particulière. La tendresse est bien loin ; elle est pour les amis du passé, pour vous, pour les chers absens[1]. Je ne forme aucun

  1. On venait d’adjoindre au Collège de France une école dite d’administration. La chaire de langue et de littérature française y fut confiée à Emile Souvestre qui prit Olivier pour auxiliaire, mais l’école d’administration ne dura pas.