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telles choses. J’ai écrit hier un mot à M. Gaullieur où je n’ai fait que toucher ce point. Je vais faire tout le travail, préparer tout ; puis je lui demanderai formellement son intention sur la publication totale et prochaine, auquel cas (entre nous) je rengainerais, ne pouvant servir de porte-voix, même anonyme, à ce qui serait un méfait social ; mais je pense qu’il tombera d’accord ; il n’avait pas l’air de savoir que cette Charlotte fût la même que Mme Benjamin Constant.

C’est à mesure que j’avance dans la lecture que je me forme cette opinion sur les écueils : au début, cela paraissait moins.

En résumé, si toute la portion Charlotte se supprime, cela n’a d’autre inconvénient que de montrer Benjamin Constant sous son vrai jour, c’est-à-dire le plus pitoyable des hommes.

Je vais tâcher aujourd’hui de savoir où est ce pauvre Lèbre et comment il est : on n’a pu hier me donner d’autre détail, sinon que, très malade depuis cinq jours, il avait été transporté hier par ses amis dans une maison de santé pour être mieux soigné. — Inutile d’ajouter que, dans cet état, il n’a pu me rien transmettre de vous.

Pour Mickiewicz, c’est de la pure folie, à ce qui m’en revient de partout. Si j’étais ministre, je le suspendrais, demain ; et si j’étais Académie de Lausanne, je ne le choisirais plus, car cela bouleverse les cervelles de la jeunesse : et je suis sûr que, sans son travail sur les Slaves, ce pauvre Lèbre se trouverait mieux. Son exaltation a été croissante depuis lors.

Voilà bien des choses tristes, mon cher Olivier.

Parlez un peu à M. Gaullieur et sondez-le sur l’article Charlotte : est-ce qu’il n’est pas de mon avis ? — tout cela non officiellement. — Telle qu’elle reste, la chose sera la plus curieuse du monde[1].


Avril 1844, ce dimanche.

Cher Olivier,

En toute hâte, réparation à la princesse B…, il paraît que ce n’est pas à elle que le roman de Balzac est dédié, mais à une dame russe (Fille d’une terre esclave… Il est vrai que l’Italie l’est aussi), Mme de S… (ne la nommez pas au long), qui est célèbre

  1. La correspondance de Benjamin Constant et de Mme de Charrière parut, en effet, le 15 avril 1844, dans la Revue des Deux Mondes.