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Ce 24 mars 1844.

Chère Madame,

J’ai écrit une lettre bien maussade à Olivier, mais il me l’aura pardonné. Je suis tout occupé d’arranger ces lettres de Benjamin Constant. Je cherche depuis plusieurs heures dans la 4e édition de la Chrestomathie de M. Vinet la jolie lettre de Benjamin âgé de douze ans ; je ne puis la trouver et j’en conclus que l’excellent M. Vinet, la jugeant trop agréable, l’aura retranchée. Comment faire pour l’avoir ? S’il ne s’agissait que de payer un exemplaire où elle est, d’en déchirer le feuillet et de me l’envoyer, à la bonne heure ! mais comment faire parvenir l’argent ? Veuillez être assez bonne pour demander à M. Vinet où il a fourré cette charmante lettre dans sa 4e édition que j’avais achetée en partie pour cela ? — Si elle est absente, pourriez-vous m’en faire avoir une copie bien exacte, car c’est urgent. — Mon Dieu ! que de tracas ! Je vous écrirai au premier jour notre chronique, je succombe ici sous les devoirs.

O ubi Tempe ! (demandez à Olivier). A quand le calme et la vie paisible ! Dans l’autre vie ! ou dans je ne sais quel automne qui recule, passé auprès de vous !

À vous, chère Madame, chers amis,

S. B.


J’apprends avec effroi que Lèbre vient d’être transporté, très malade, dans une maison de santé : son exaltation lui aura donné une fièvre ardente. J’apprends cela en passant chez lui, par hasard ; dès que j’aurai des nouvelles précises, je vous en dirai.


Ce 25 mars 1844.

Cher Olivier,

Je rouvre pour vous dire que je reçois votre mot. Merci de tout ce détail et pardon de tout ce tracas. En lisant la dernière partie de la correspondance, il me semble de plus en plus impossible que tout ceci soit publié en totalité[1]. La Charlotte dont il s’agit à chaque page n’est autre que Mme Benjamin Constant, encore très vivante Ce serait un libelle diffamatoire de publier de

  1. C’est ce qui nous servira à nous-mêmes d’excuse et de justification pour les suppressions que nous avons cru devoir opérer dans cette Correspondance elle-même de Sainte-Beuve.)