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littérature : deux questions sont en jeu, la loi des sucres et le droit de visite (c’est-à-dire les traités de 1831, 1833) ; sur la loi des sucres les opinions sont libres, même dans le camp ministériel. Mais c’est le droit de visite qui est la question politique ; fort heureuse l’opposition d’avoir trouvé cela, sans quoi elle manquait de batterie contre Guizot pour ce commencement de session. Tous ceux qui sont Français (style chauvin) contre Albion ; les bonapartistes, les légitimistes (car la Restauration a été contre le droit soit par honneur du pavillon, soit par peu de souci des nègres) ; le 1er mars ; le 15 avril mécontent ; en un mot, les anti-guizotistes de toutes les nuances font chorus sur le droit de visite, subitement découvert. Sans M. Guizot, on n’y songeait pas ; les abus durant ces dix ans se réduisaient à rien ; il n’y a pas de quoi fouetter un chat, mais la politique est ainsi. Ne nous étonnons donc pas qu’on revienne, dès qu’on le peut, à la littérature, à Pascal et à Rachel.

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Bonjour, mes chers amis, je profite de la licence et vous inonde.

A vous de tout cœur.

SAINTE-BEUVE.


Ce 26 janvier 1843.

Mes chers amis,

Il paraît que Mlle Rachel a bien décidément réussi dans Phèdre. Elle a gagné sa bataille de Marengo ; cette bataille générale que tout talent distingué, après les premiers succès, doit livrer à un certain jour et qu’il perd si souvent. — N’écoutez rien de ce que dit Janin.

La politique règne. C’est le droit de visite qui a fait le champ de bataille de l’adresse. M. Guizot a été éloquent à la Chambre des pairs, mais, même quand il est éloquent, il a don de déplaire, souvent même à ses amis. C’est M. de Broglie qui a eu encore tous les honneurs ; son discours éloquent, modéré, savant, a eu un grand succès et d’honnête homme d’État. Il était d’ailleurs très piqué au jeu, parce qu’on s’était mis à attaquer de toutes parts M. Guizot à travers son propre traité à lui ; il était très irrité les premiers jours, mais il a su contenir sa parole et l’effet qu’il a produit a été grand. Je crois bien que M. Guizot