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peut-être, mais sans beaucoup plus d’attention. Finalement, ne pouvant se dédire sans forfaire à leur parole solennellement engagée, ils appointèrent Louis XVIII à un demi-million d’âmes et n’acceptèrent la discussion que sur les territoires où les prendre. Des commissaires furent nommés. Celui du Roi, le comte d’Osmond, reçut, le 10 mai, pour instruction, « de procurer à la France les points nécessaires pour compléter son système de défense. » Le Roi demanda un million d’âmes, sur la frontière dii Nord, entre l’Océan et le Rhin, avec Ypres, Courtray, Tournay, Mons, Namur, Dinant, Givet, Arlon, Luxembourg, Sarrelouis, Kaiserslautern. Les commissaires étrangers repoussèrent « constamment l’idée qu’un accroissement de population nous eût été promis par les alliés. » Puis ils entrèrent en supputation : La France gardait Avignon et le Comtat ; encore que les rois n’eussent jamais renoncé à ces enclaves, que l’attribution au Saint-Siège en fût toujours demeurée litigieuse, on les fit entrer en compte ; on y ajouta une partie de la Savoie avec Chambéry, puis, au Nord, Philippeville, Marienbourg, du côté de la Belgique, Sarrelouis et Landau, du côté de l’Allemagne, en tout 450 000 âmes. On n’admit point que le domaine colonial fît partie de l’ancienne France, ce qui permit à l’Angleterre de s’y tailler ses indemnités et convenances. Ainsi fut accomplie cette parole de Metternich qui donne la clef de toute cette procédure : « La rentrée de la France dans les limites du Rhin, des Alpes et des Pyrénées, le Rhin et les Alpes offrant des lignes à déterminer. » Landau, sur le Rhin, Chambéry, sur les Alpes ; telles furent les « lignes déterminées » par les alliés en 1814 et dessinées déjà par eux, quant au Rhin, dans leurs plans secrets, en 1812. Un autre Fleurus, un autre Zurich, un autre Marengo, un autre Hohenlinden, un autre Austerlitz, un autre Iéna, un autre Friedland, un autre Wagram, auraient pu seuls conjurer ces desseins, en 1813, comme ils les avaient conjurés de 1794 à 1809.


ALBERT SOREU