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frontières, l’âme de toute la machine. Combinant et subtilisant de la sorte, les alliés atteignirent Francfort, qui se remplit de diplomates, de militaires et d’une affluence considérable d’intrigans. Tout y respirait la guerre. Le 7 novembre, une conférence eut lieu chez Schwarzenberg ; l’Autrichien Radetzky, le Prussien Gneisenau, les chefs d’état-major, développèrent chacun leur plan. Radetzky proposait de se refaire et de se reconstituer à Francfort et de ne reprendre les hostilités que le 20 novembre ; Gneisenau opinait pour le passage immédiat du Rhin, entre Mayence et Strasbourg, par la grande armée, celle de Schwarzenberg, tandis que Blücher envahirait la Belgique et délivrerait la Hollande. Puis on s’ajourna.

Metternich profita de ce répit pour amorcer la négociation, et il le fit en metteur en scène consommé. Saint-Aignan avait été voiture jusqu’à Francfort. Le 8 novembre, Metternich le manda et reprit ses propos, en les précisant : — « Personne n’en voulait, dit-il, à la dynastie de l’empereur Napoléon. On était prêt à s’entendre. Les conditions à établir devaient naturellement donner des limites à la puissance de l’Angleterre et de la France… L’Angleterre avait d : ailleurs des prétentions beaucoup moins élevées qu’on ne prétendait. Elle était prête à rendre à la Hollande indépendante ce qu’elle ne lui rendrait pas comme province française. » Ces mots contenaient l’étoffe de deux… malentendus, pour parler avec bienséance. Personne n’en voulait à la dynastie de l’Empereur, en ce sens qu’Alexandre voulait détrôner Napoléon et projetait de le remplacer par Bernadotte ; mais il ne parlait pas de la dynastie, et son dessein, encore que très concerté, n’avait été consigné dans aucun protocole. Metternich pouvait donc dire, personne, c’est-à-dire aucune personne juridique, ni officielle, ni protocolaire. Quant à la Hollande, il s’agissait moins de lui rendre ses îles et ses colonies que de l’agrandir, au moyen de la Belgique, avec Anvers, dans tous les cas.

Le lendemain, 9 novembre, Saint-Aignan fut de nouveau mandé chez Metternich, à 9 heures du soir. Metternich était seul. Il sortait, dit-il, de chez l’empereur Alexandre et c’était de concert avec ce souverain qu’il allait confier à Saint-Aignan « des paroles que ce diplomate devrait porter à l’Empereur. » Sur quoi Nesselrode arriva et dit que « l’on pouvait regarder M. de Hardenberg comme présent et approuvant tout ce qui