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Ni Metternich ni son maître ne songeaient à détrôner Napoléon. C’est ici que, chez François II, les « entrailles d’Etat » s’accommodaient avec le cœur. Les Bourbons, en deuil de Marie-Antoinette, ne souriaient nullement au père de Marie-Louise. Un Napoléon vaincu, humilié, refoulé dans les anciennes limites, réduit à l’impuissance, acculé, très vraisemblablement, à quelque constitution qui briderait à jamais son pouvoir, un Napoléon « époux et père, » et, cette fois, au vrai, successeur et neveu de Louis XVI, convenait mieux à la maison d’Autriche. Ajoutons que, de toutes les combinaisons, celle de Bernadotte, vice-roi ou lieutenant général de la Russie, était celle qui lui convenait le moins. Si la France avait besoin d’une tutelle, l’Autriche, belle-mère et grand’mère, paraissait tout indiquée. Napoléon n’était ni invulnérable, ni surtout immortel ; la guerre offrait des hasards ; une abdication n’emporte point déchéance de la dynastie, et une régence, sous la haute main de Metternich, réunissait tous les avantages, le droit, les « principes, » et la politique. Donc, négocier la paix avec Napoléon, tout en continuant à le presser par la guerre ; l’affaiblir en France, l’anéantir en Europe, le contraindre aux derniers sacrifices, la paix à la discrétion des alliés, l’abdication en faveur de son fils, ce qui couperait court aux visées d’Alexandre et arrêterait la marche sur Paris. Les Français, devant la paix à Marie-Louise et à Napoléon II, la régence en profiterait, le moment venu, et l’Autriche se porterait, du coup, à cette hégémonie de l’Europe qu’ambitionnait le tsar. Le fin de cette combinaison consistait à y associer les Français, à exciter un mouvement d’opinion en France, et à forcer, par les Français mêmes, la main à Napoléon.

Metternich connaissait de longue date, il avait suivi de très près et entretenu les dispositions des amis de l’Autriche, l’ancien « comité autrichien » ressuscité à Erfurt par Talleyrand. Plus que jamais, il croyait pouvoir compter sur le prince de Bénévent. Il se flatta de trouver en lui le collaborateur qu’il lui faudrait pour installer la régence et la conduire ensuite à l’autrichienne. Talleyrand remplirait, très ostensiblement, le rôle que Mercy jouait, sous le manteau diplomatique, à la cour de Louis XVI. En quoi il se méprend : si Talleyrand désire la régence, c’est pour y prendre le personnage de Mazarin. Mais il suffit, en ces débuts de l’affaire, de s’accorder sur la paix, qui formera le premier chapitre. Metternich est informé des vues de