Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« division ? » La « dialectique » de Bourdaloue, qui tout à l’heure n’était que de l’observation, n’est ici que de l’analyse morale ; et par hasard, faudrait-il, pour les reconnaître ou les nommer de leur vrai nom, que l’analyse morale fût fragmentaire et décousue, ou l’observation incohérente et contradictoire ? Et, en effet, c’est une chose assez remarquable qu’en France nous ayons réservé l’appellation de moralistes à ceux qui pensent par maximes, comme La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues, Chamfort, ou par « essais, » si je puis ainsi dire, comme Montaigne. Mais la discontinuité ne fait pourtant pas une partie de la définition de l’analyse morale, et des observations qui se suivent ou même qui s’enchaînent ne sont pas nécessairement moins vraies de leur enchaînement ou de leur liaison. Bourdaloue est un « moraliste, » quoique ses discours se tiennent.

Et il est aussi un « chrétien, » dont le souci perpétuel est de conformer sa vie, et celle de ceux qu’il prêche, aux enseignemens qui se tirent de la méditation de la mort. Comment donc utiliserons-nous la Pensée de la mort ? Nous nous demanderons de quoi se compose la suite ou la trame de notre vie, et nous trouverons d’abord que nous avons des « passions à ménager, » ce qui veut dire, dans la langue d’aujourd’hui, des instincts à satisfaire et à surveiller. La « pensée de la mort est le remède le plus souverain pour amortir le feu de nos passions, — et c’est la première partie. » Nous avons des « conseils » ou des « délibérations, » des « résolutions » à prendre. « Je dis que la pensée de la mort est le remède le plus infaillible pour conclure sûrement dans ces délibérations ; — c’est la seconde partie. » Et nous avons encore des « devoirs » à remplir, des obligations qui nous sont imposées par les conditions mêmes de la vie. « La pensée de la mort est le moyen le plus efficace pour nous inspirer une sainte ferveur dans nos actions, » — c’est la troisième partie du sermon. Dirai-je en passant que Bourdaloue n’en a guère composé de plus beau, de plus substantiel ou de plus éloquent ? dans lequel, en restant lui-même, il ait plus approché de Bossuet ? Mais qu’y a-t-il encore de plus naturel que cette division ? Et que voudra-t-on dire si l’on nous dit que le sujet n’en exigeait point ? Encore une fois, la « division » ici n’est qu’ « invention. » Ce ne sont point des mots qu’entre-choque Bourdaloue, mais des choses qu’il approfondit. Les divisions et les subdivisions s’égalent pour ainsi dire à la complexité de la vie ; et qu’importe après