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intéressante étude littéraire sur Bourdaloue, en deux volumes, que couronnait cette année même l’Académie française. Enfin, et tandis que le Père Chérot, avec un zèle infatigable, s’occupait de rassembler les lettres éparses de Bourdaloue, et tous les documens, sans en excepter les portraits, qui peuvent servir à nous rendre l’exacte physionomie d’un homme dont tout ce que l’on sait, en général, c’est que, selon le mot souvent cité de Vinet, « il prêcha, il confessa, il consola, puis il mourut ; » le Père Eugène Griselle nous donnait une Histoire critique de la Prédication de Bourdaloue, que couronnait encore l’Académie française, sur la proposition de M. le comte d’Haussonville, et qu’on ne saurait d’ailleurs mieux louer qu’en la comparant au livre de l’abbé Lebarq sur l’Histoire critique de la Prédication de Bossuet. Il faisait plus ; il fondait une Revue Bourdaloue, qui en est à sa troisième année, et dont il n’y a pas un des numéros parus, — elle est trimestrielle, — qui ne contienne quelques pièces du plus grand intérêt pour l’histoire de Bourdaloue lui-même, pour celle de la chaire chrétienne au XVIIe siècle, et même pour l’histoire des mœurs ou des idées de son temps. Il nous a semblé qu’en cette année 1904, — qui est celle du deuxième centenaire de la mort de Bourdaloue, 13 mai 1704, — l’occasion était donc non seulement propice, mais impérieuse, de reparler du grand orateur ; de dégager de toutes ces publications ce qu’elles peuvent contenir de plus neuf ; et d’essayer de définir, avec plus de précision qu’on ne l’a fait peut-être, les caractères qui sont ceux de l’éloquence de Bourdaloue.


I

Mais où est-elle, cette « éloquence ? » et, si les témoignages ne nous font pas défaut, qui l’ont célébrée en son temps, où en sont aujourd’hui les monumens authentiques ? C’est une question qu’on n’eût pas eu seulement l’idée de se poser, il y a vingt-cinq ou trente ans, et la belle édition des Œuvres de Bourdaloue, donnée de 1707 à 1734, chez Rigaud, en seize volumes, par le Père Bretonneau, faisait foi : le texte des Sermons était là. On savait bien que, — pas plus que Bossuet, avant lui, et Massillon, depuis eux, — Bourdaloue n’avait lui-même publié ses Sermons. Il en avait eu l’intention, mais d’autres soins l’en avaient détourné. On savait également que le Père Bretonneau, selon