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commis dans l’ordre judiciaire, » rédaction un peu faible après tout ce que nous avons vu et entendu, mais qui donne pourtant une demi-satisfaction à la conscience publique. Toutefois la Commission sent fort bien ce qu’il y a de platonique dans ses protestations et dans ses regrets. Son œuvre reste imparfaite. N’ayant pas de pouvoirs judiciaires, elle n’a pas pu aller plus loin. Elle reconnaît n’avoir pas fait la lumière complète, et elle exprime le désir que les choses n’en restent pas là. En conséquence, elle soumet à la Chambre le projet de résolution suivant, qu’elle a voté elle-même à l’unanimité : « La Chambre renvoie à M. le garde des Sceaux le soin de faire rechercher et punir conformément aux lois tout individu qui se serait rendu coupable d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire. » On peut être bien tranquille, M. le ministre de la Justice ne donnera aucune suite à cette invite. Mais quelle a été la pensée de la Commission ? Elle ressort très nettement de la phrase de son rapport dans laquelle M. Colin dit que, si M. Edgar Combes est innocent, « il semble bien que certaines personnalités sans mandat aient mêlé son nom aux agissemens louches qu’elles poursuivaient pour leur compte personnel. » Que ces personnalités aient commis une tentative de chantage contre les Chartreux, la Commission en est convaincue. Elle n’en a pas trouvé la preuve, mais elle se décharge de ce soin sur la justice, qui a d’autres pouvoirs qu’elle et d’autres moyens d’investigation. Les limites d’une enquête parlementaire sont plus étroites que celles d’une information judiciaire.

Est-ce tout ? Non. A côté de M. Edgar Combes, il y a son père. M. Edgar Combes a pu se disculper d’avoir pris une initiative, ou d’avoir joué un rôle quelconque dans la tentative d’escroquerie dont les Chartreux ont été l’objet ; mais on ne pouvait pas oublier que M. le président du Conseil avait dit, du haut de la tribune, que son fils et lui avaient été l’objet d’une tentative de corruption. On ne pouvait pas l’oublier, puisque c’est précisément cette déclaration, faite à la séance du 10 juin, qui a donné naissance à la Commission d’enquête. Celle-ci devait donc rechercher si la tentative de corruption avait eu lieu en effet. Elle déclare n’en avoir trouvé aucune trace, et le rapport de M. Colin est sévère sur ce point contre M. Combes. Au surplus, voici le projet de résolution qu’il soumet à l’approbation de la Chambre : « La Chambre regrette que M. le président du Conseil ait imprudemment, et sans motifs suffisans, jeté une émotion profonde dans le pays et risqué