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catéchisme intitulé : « Instruction élémentaire sur la morale religieuse, » une première communion, une bénédiction pour le mariage, un service mortuaire. Voici comment l’Année religieuse[1] publiée par Chemin, en réglant la « conduite journalière des théophilanthropes, » énumère les pratiques recommandées au dévot du nouveau culte : « Le théophilanthrope n’accorde au sommeil que le temps nécessaire pour réparer ses forces. À son réveil, il élève son âme vers la divinité, et lui adresse, au moins par la pensée, l’invocation qui va être récitée dans un moment… Il pense quelquefois dans la journée qu’il est en présence de la divinité. Ce témoin de toutes ses actions et sa conscience le soutiennent dans la pratique du bien, le détournent du mal, l’avertissent de ne pas abuser de la fortune, et de supporter l’adversité avec courage. Au moment de ses repas, il témoigne par la pensée sa reconnaissance à l’auteur de la nature… À la fin de la journée il s’interroge lui-même : de quel défaut t’es-tu corrigé aujourd’hui ? quel penchant vicieux as-tu combattu ? en quoi vaux-tu mieux ? Le résultat de cet examen de conscience est la résolution d’être meilleur le lendemain. » Prières du matin et du soir, oraison jaculatoire, grâces, examen de conscience, il semble que les théophilanthropes aient pris à « leurs frères catholiques » tous les moyens par lesquels la religion s’empare de l’âme du croyant, l’accompagne dans toutes les circonstances de sa vie, et se rappelle à lui à tous les momens de sa pensée. Il faut pourtant qu’ils aient omis quelque chose. Car le fait est qu’ils ne parvinrent jamais à agir sur la masse. Aux plus beaux jours de leur faveur, ils ne groupèrent qu’un petit nombre de fidèles. Au surplus le ridicule se mettait de la partie. Le public ne les connut jamais que par les gorges chaudes qu’il en faisait.

Le Directoire s’aperçut bientôt qu’il n’y avait rien à gagner avec de tels alliés et qu’à les protéger, on perdait son argent et son temps. Le mieux étant d’ailleurs de ne compter que sur soi-même, il procéda à l’organisation d’un culte qui serait bien à lui : le culte décadaire. Au surplus les bons théophilanthropes ne s’affligèrent pas outre mesure de ce changement dans les dispositions gouvernementales. L’important n’était-il pas de faire pièce au catholicisme ? Et puisqu’on venait de trouver une machine de guerre plus meurtrière, beaucoup d’entre eux ne demandèrent pas mieux que d’aider à la manœuvre.

  1. Année religieuse des théophilanthropes ou adorateurs de Dieu et amis des hommes, recueil de discours, lectures, hymnes et cantiques pour toutes les fêtes religieuses et morales que célèbrent les théophilanthropes pendant le cours de l’année, soit dans les temples publics, soit dans le sein de leurs familles, publié par l’auteur du Manuel des théophilanthropes. Paris, an V, t. I, p. 32 et 33.