Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

O lune large et belle au fond du ciel serein,
Aux siècles affaissés, au siècle souverain
Tu souris dans l’argent de ta fine guipure.
Inconstante au malheur, tu souriras demain…
— J’entends le vent du soir gémir dans la verdure.

Pâle reine des nuits, est-ce toi qui, le soir,
Dans ton voile léger viens sur mon front t’asseoir,
Toi dont le chaud baiser semble quelque morsure,
Est-ce toi qui frémis en un nuage noir ?…
— J’entends le vent du soir gémir dans la verdure.

Blanche fleur de la nuit, lune au pâle regard,
Un parfum d’oranger glisse de toutes parts…
Toi qui n’as point connu la sombre flétrissure,
Vers mon cœur frémissant ouvre tes yeux blafards…
— J’entends le vent du soir gémir dans la verdure…

Et toi, rigide au fond du ciel tout ruisselant,
Secouant dans les eaux ton long voile brûlant,
Sur la mousse nacrée, en fine découpure,
Douce Lune du soir, douce Lune au front blanc !
— J’entends le vent du soir gémir dans la verdure.


LA MER


Le soleil se levait sur l’horizon sanglant,
Et le rayon vermeil de la rose lumière
Du flot qui se dressait empourprait la crinière,
Et remplissait de feux le sable étincelant ;

Le ciel était de flamme, et la vague de sang,
L’algue de satin vert assoupi sur la pierre,
Dans un frais tourbillon de bleuâtre poussière,
Ondulait, paresseux en un mouvement lent.

Et l’on voyait passer sous les vagues décloses
La main de l’aube en l’eu qui les chargeait de roses
Dont la brise en glissant faisait pâlir la chair.