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Seuls les pleurs de la nuit sur mon marbre s’altèrent.
Seul le printemps fleurit d’une invisible main
Mes deux urnes. La chèvre, en foulant le jasmin,
Fait monter le parfum des roses du mystère.

Et le fil gracieux que le soleil suspend,
De sa chaîne de soie environne ma tombe…
Près de moi, vois chanter et voler la colombe…

Vois, dans le ciel uni, la nuit qui se répand…
Ne passe pas ici sans t’arrêter ! Demeure !
Car, de son lit glacé, ma voix supplie et pleure !


NYMPHE, DORMEZ !


Dormez ! voici le soir qui voile la prairie.
Dans ce coin de rochers parfumé de sureaux,
Etendez-vous avec vos timides chevreaux…
Dormez ! voyez, pour vous, la paille fut meurtrie.

Appuyez votre front sur cette herbe fleurie
Où croissent des rosiers tout chargés de coraux.
Dormez ! la nuit descend à travers les vitraux
Des arbres verdoyans. Dormez, nymphe chérie !

La lune vous regarde avec ses grands yeux doux.
L’ombre subtile fuit sur la montagne rousse ;
Dormez ! votre troupeau s’endort auprès de vous…

Sur le tapis soyeux et léger de la mousse
Erre, inconstant et frais, le vent serein de mai,
La nuit voile les prés, ô ma Nymphe ! Dormez !…


LA MORT DU PAPILLON


Son aile, au buisson d’or, transparente et pourprée,
Trop fragile s’est déchirée ! !…
C’était par un beau soir plein d’humides parfums,
Et dans le ciel mouillé, tout rempli d’étincelles,
La nuit au front doré battait ses grandes ailes,
Et dénouait ses cheveux bruns.