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leurs assassins ? Lorenzino ne pouvait s’en défaire, lui qui avait besoin de couvrir de prétextes humanitaires ses revendications égoïstes, et de passer pour le libérateur de Florence opprimée, quand il ne vengeait que l’affront d’un procès perdu et de cent humiliations méritées par ses vices.

Un dernier rapprochement, de moindre importance, suggestif tout de même, pour finir. Cette Apologie, qui n’est donc un chef-d’œuvre que de littérature, s’il fallait lui découvrir des équivalens en français, n’en trouverait qu’un, et Mirabeau en est l’auteur. Inséré à la fin du tome Ier des Lettres originales de Mirabeau, écrites du donjon de Vincennes, sous le titre de Mémoire, il est adressé à son père, mais dédié en fait à ses contemporains et à la postérité. L’orgueil d’être homme, d’avoir du génie et de se sentir né pour le gouvernement, s’y enveloppe de désintéressement, d’amour pour la liberté, pour la famille et pour la Patrie, avec une indifférence pour la contradiction des principes invoqués, et avec une logique dans le développement de leurs conséquences avantageuses, où Lorenzino, un puriste, n’eût trouvé à reprendre qu’un excès de verbosité et de solécismes.


DAUPHIN MEUNIER.