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à la faveur de ce goût, celui de leurs théories maîtresses, que nous nous évertuons toujours à faire passer dans notre pratique. « Aussi bien, » observe un auteur à qui nous emprunterons davantage tout à l’heure, « les mots, quand on les entend, conduisent-ils nécessairement aux idées, » — et celles-ci aux actes, ajouterons-nous pour le complément de sa pensée. Et les théories maîtresses de ces créateurs et professeurs nés de la science de l’homme, on les connaît : elles prétendent à régir l’intérieur de l’individu en harmonie avec l’ordre universel, une sagesse souveraine fixant celui-ci, un dieu intérieur guidant celui-là, en sorte que les vertus personnelles et la vertu suprême ont part, responsabilité et indépendance presque égales dans le gouvernement des sociétés. C’est l’humanisme : à des formes parfaites il veut des âmes parfaites ; il veut la beauté et le bonheur. On admet qu’il a réalisé la beauté ; on espère toujours qu’il donnera le bonheur. Lorenzino vécut tout imbu de cette foi double, en la croyant une.

Et tout de suite ici, nous frappent les termes d’une contradiction extraordinaire de M. Gauthiez à ce sujet. Il ne peut trouver d’expressions assez énergiques pour dénoncer le « poison, » le « venin, » de cette éducation de Lorenzino par l’antique ; et, d’autre part, il se déclare être personnellement « l’homme de la Révolution française avec toutes ses conséquences, » ce qui revient à dire qu’il approuve toutes les conséquences d’un événement dont il réprouve toutes les causes. La Renaissance italienne et la Révolution française sont les tiges d’une même souche, dont la sève fut l’humanisme ; et, si Lorenzino nous intéresse tant, comme un des nôtres, si tous ses apologistes l’ont adopté pour illustrer et vivifier de son exemple leur idéal politique, conforme à celui des hommes de 89, c’est qu’en ce Médicis esthète et tyrannicide, l’humanisme gréco-latin (surtout latin) a développé les deux effets qu’il était susceptible de produire : nouveau régime des formes, nouveau régime des idées et des faits. La constitution physique de Lorenzino était merveilleusement propre à faire valoir cette culture intégrale.

L’identité originelle de ces deux mouvemens, Renaissance, Révolution, paraîtra une proposition assez téméraire peut-être pour justifier un court parallèle qui l’autorisera mieux en la précisant, et qui nous ramènera fatalement à Lorenzino, sa preuve tangible. Si Michelet, qui a défini la Renaissance : la