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d’ailleurs, à Paris. Mlle Rachel a toujours la faveur, et Mme Récamier aime à l’entendre chez elle. Les Mystères de Paris de M. Sue font le même effet que Mathilde, je crois, faisait durant votre séjour. On va donner Judith, de Mme de Girardin, au Théâtre-Français : ce ne saurait être un succès. Mme Sand poursuit l’interminable Consuelo, et ne parvient pas à épuiser les heureux hasards de son talent si mal dépensé. Chacun continue de vivre bien ou mal, comme il a commencé : Alfred de Musset se perfectionne et jouit de toute la vogue du moment, vers et prose ; avez-vous lu dans le Journal des Débats son Merle blanc ? Marmier est revenu encore une fois du Nord, de Russie cette fois et de Finlande.

Voilà, chère Madame, mes aperçus à ces approches d’hiver. J’embrasse vos enfans présens et futurs ; je salue vos excellentes familles, et suis à vous, chère Madame, et à Olivier, de tout cœur.

Et son allemand, le tient-il enfin et a-t-il enchaîné le cyclope ?


Ce dimanche (s. d.) 1842.

Je trouvais, chère Madame, qu’il y avait bien longtemps que je n’avais reçu de vos nouvelles. Un mot de Zurich, d’Olivier qui me disait que vous étiez souffrante ne me rassurait pas. Il y a, en effet, de tristes défilés dans la vie morale et physique ; et ce qu’il y a de pis, c’est qu’on y passe comme fatalement, les voyant d’avance, les voyant pendant, s’y poussant soi-même par une sorte de loi intérieure et supérieure. Je ne dis pas cela pour vous, mais pour nous tous ; j’ai connu de tels défilés et j’ai tout fait pour m’y briser, tout en ne voulant pas. Vous, chère Madame, vous retrouverez, après cette saison de privation et de souffrance, les joies de la famille, le bras de l’époux, et vous n’avez pas quitté les embrassemens de vos enfans. Votre part est donc encore belle et votre défilé serait pour beaucoup un vrai golfe d’abri.

Mais la souffrance physique, il faut tâcher de vous en débarrasser, ne pas trop insister sur le travail et sur les soucis en ce moment-là, cultiver surtout le sommeil, ce Dieu trop méconnu.

Je lui voue pour mon compte bien des momens qu’il ne récompense pas toujours : mais alors je ne m’impatiente pas et j’attends. Il finit quelquefois par avoir pitié.

J’ai envoyé votre mot à Mme Valmore. Il n’y a en ce moment