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dangereux revient aujourd’hui toutes les cinq ou six semaines, souvent tous les mois !

Pour compenser ses risques, le caporal ne jouit d’aucun avantage ; il n’a aucune des prérogatives du sergent. Il vit avec ses hommes et comme eux, corvées à part, et cependant c’est contre ces camarades, ces compagnons de tous les instans de sa vie, qu’il est souvent obligé de sévir pour sauvegarder sa responsabilité. Aussi n’use-t-il guère de l’autorité qu’il détient, qu’à la dernière extrémité et le plus souvent très maladroitement. Comment en serait-il autrement, puisqu’il n’a souvent que dix à douze mois de service ? Son inexpérience des choses et des hommes excuse peut-être, mais garantit sa maladresse.

En fait, le grade de caporal est sans prestige dans notre armée ; il complique le service ; il compromet la discipline plus qu’il ne la sert, en outre, et surtout, c’est l’épouvantail qui éloigne bon nombre de jeunes gens de la recherche de galons qu’ils seraient très aptes à porter, qui leur fait préférer la vie tranquille du soldat dans le rang à l’honneur d’une distinction aussi périlleuse.

Il faut supprimer purement et simplement ce grade inutile et nuisible. Cette mesure radicale n’aurait que des avantages. Elle apporterait dans le service une extrême simplification. La compagnie compterait douze sergens, dont les plus anciens pourraient jouir de certains privilèges, et d’immunités spéciales, mais non d’un grade et d’une autorité supérieure. Ces sous-officiers roulent ensemble pour assurer le service de « semaine : » celle-ci dès lors ne revient plus qu’à des intervalles assez éloignés ; deux, trois, quatre même d’entre eux peuvent être absens ou employés sans que leurs collègues soient surchargés de besogne. Dans l’intérieur de la compagnie les sous-officiers peuvent se spécialiser. L’un sera chargé du tir, l’autre de l’habillement, un troisième des exercices physiques, des travaux de campagne, des théories orales ou récitatives, etc., et chacun de ces sous-officiers pendant le temps où il restera chargé de cette branche de l’instruction ne s’occupera que d’elle, et ne sera responsable que des résultats qu’il aura obtenus personnellement.

Les sous-officiers auront, il est vrai, besoin d’auxiliaires pour les aider dans leur tâche. Pour cela ils désigneront des hommes, bons sujets, d’instruction complète, dits premiers soldats. Ceux-ci les seconderont, les suppléeront au besoin, mais n’ayant pas