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l’entourent, aura des faiblesses ou des indulgences qui ruineront rapidement son autorité.

À ces qualités physiques, à ces conditions de caractère personnel, le sous-officier doit joindre une vertu essentielle : l’amour du devoir, le sentiment de l’honneur. Chargé d’imposer le devoir à des hommes qu’il gêne, qui ne cherchent le plus souvent qu’à lui échapper, il doit, lui, en avoir le respect inné, y être dévoué. Il ne s’agit pas seulement de bonne exécution du service, du strict accomplissement des ordres donnés ou des consignes reçues pour éviter une punition ou mériter quelques éloges ; mais de l’observation des devoirs professionnels dans toute leur étendue par amour du devoir en lui-même, par légitime satisfaction de conscience, par conviction qu’en faisant son devoir et en l’exigeant des autres, on travaille pour l’honneur de tous, pour le bien de l’armée, pour le salut du pays.

Homme vigoureux et hardi, homme de devoir et d’honneur, il faut encore que le sous-officier ait la confiance de son chef.

Et comment l’aura-t-il, s’il n’en est pas intimement connu, tel qu’il est avec ses qualités et ses défauts inévitables ? L’instruction acquise, les connaissances antérieures à l’entrée au service, ne doivent entrer en compte pour le choix des gradés qu’en dernière ligne. Certes il faut que le sujet soit intelligent, apte à profiter des leçons qu’il recevra, mais il n’est nullement nécessaire que le développement de cette intelligence naturelle ait été préalablement assuré par une éducation primaire déjà complète.

Ce court aperçu suffit pour voir combien est illogique, — pour ne pas dire plus, — notre manière de procéder. Ces jeunes gens qui sont désignés pour leur « belle main, » leur bonne orthographe, leur capacité en arithmétique, sont réunis en un peloton où tout se passe théoriquement et non pratiquement ; puis ils sont classés par une commission, et nommés au hasard des vacances, le plus souvent dans une compagnie où ils sont inconnus à tous, chefs et soldats.

Le remède à cet état de choses est facile. Laissons le capitaine désigner librement ses caporaux, instruire et former lui-même ses sous-officiers qui sont ses premiers auxiliaires ; c’est son premier devoir d’éduquer et de choisir des gradés dignes de ce nom, mais c’est aussi et surtout son intérêt, car la troupe qu’il commande vaudra ce qu’ils vaudront. Que de fois