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qu’il y en a de pires encore, par la passion qu’ils mettent à se déchirer plutôt que de les avouer ? Ils s’embarrassent dans leurs affirmations et leurs dénégations, s’embrouillent, se coupent, se contredisent eux-mêmes ! Que dire d’une magistrature qui reconnaît elle-même n’être pas indépendante, et qui le prouve d’une manière si évidente ? Que penser d’un juge d’instruction dans le cabinet duquel on entre sans frapper, pourvu qu’on s’appelle Edgar Combes ? Que croire d’un « intérêt supérieur » qui exige, au risque d’interrompre par-là le cours naturel de la justice, le silence sur le nom d’un M. Chabert, parce qu’il a versé 100 000 francs au comité Mascuraud ? Quelles sont donc les relations de ce comité avec le ministère, et du ministère avec ce comité ? Toutes ces questions, et vingt autres encore, se pressent dans l’esprit, où ils ne laissent que confusion et que malaise. Certes, il vaudrait mieux qu’il y eût quelques coupables dont on ferait justice, que tant d’hommes inconsciens, inconsistans, défaillans et menteurs, une magistrature sans liberté, un gouvernement en rapports équivoques avec un comité en rapports lui-même avec des gens d’affaires, qui ne font pas de politique, mais qui font des versemens. Que de points obscurs ! que de choses suspectes et louches ! Nous comprenons que les ministériels s’efforcent de détourner nos regards de tant d’objets inquiétans et douloureux pour les fixer sur les Chartreux. Mais que nous importent les Chartreux, et n’ont-ils pas d’ailleurs quitté la France ? C’est de la France elle-même et de ceux qui y sont restés que nous nous occupons. Que la commission poursuive sa tâche. La corruption, quand elle prend la forme d’une tentative directe, ne laisse généralement pas de traces derrière elle, et il a toujours été à craindre que la commission ne la cherchât en vain. Mais elle a trouvé autre chose, et qui sait si elle ne contribuera pas à un assainissement du corps politique ? En tout cas, son devoir est de ne rien négliger pour cela.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.