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Il y a là une série de substances qui est comme le reflet ; sur chaque point, de la série des conditions successives qui s’y sont développées en conséquence de l’évolution tellurique ; et, sans qu’on ait pensé à faire dériver les minéraux les uns des autres, on doit cependant voir, dans leur ensemble, les termes successifs d’une même histoire.

On sent où nous voulons en venir : pourquoi ne pas faire pour les forces biologiques une supposition analogue à celle qui paraît si justifiée pour les forces cristallogéniques, et n’y a-t-il pas ici en effet matière à un développement symétrique ?

Un jour, les conditions générales du milieu terrestre se sont modifiées de telle façon que les forces biologiques antérieures, peut-être et sans doute déjà agissantes dans d’autres localités astronomiques, ont trouvé à s’exercer sur la matière de notre globe. Cela ne préjuge en rien la nature de ces forces, ni leur origine. Comme les forces cristallogéniques, mais à leur manière spéciale, elles ont groupé les élémens propres à subir leur influence, et les produits ont présenté des caractères strictement réglés par les conditions ambiantes. Si les diverses flores et si les diverses faunes successives diffèrent les unes des autres, soit par la non-identité des êtres correspondans, soit par l’apparition ou par l’extinction de certaines formes, c’est que le milieu a acquis des qualités nouvelles et qu’il en a perdu d’autres. Et si les termes de cette série biologique sont incomparablement plus nombreux que ceux de la série minérale, c’est qu’étant incomparablement plus sensibles, ils ont su refléter, par des modifications perceptibles, des altérations bien plus délicates dans la milieu général.

Cette conception a du moins pour conséquence de rejeter hors des limites du monde terrestre, et conformément au sentiment de plus d’un penseur, comme William Thomson et Henry Milne Edwards, le problème de l’apparition initiale de la vie.

Quoiqu’il en soit des faits rapportés tout à l’heure, l’ensemble des êtres vivans mérite d’être considéré comme constituant l’un des organes de la physiologie de la terre, et cette conclusion, à laquelle il est impossible d’échapper, nous prépare à reconnaître que, sans porter la moindre atteinte aux missions plus élevées qu’elle a en même temps à remplir, l’humanité elle-même intervient dans la vie de notre planète comme un facteur particulier. De tout temps, mais avec une énergie qui a toujours été en