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entier, et qui circule le plus souvent dans l’épaisseur même des roches perméables superficielles.

La vitesse de la nappe en chaque point et l’abondance de l’eau qui la constitue dépendent de la pente et de la forme du sous-sol imperméable et, selon les lignes où ces quantités atteignent une valeur suffisante, il y a entraînement de toutes les particules solides et apparition d’un filet d’eau coulant à découvert. De sorte qu’on se trompait beaucoup et qu’on avait mal compris le problème quand on voyait dans les cours d’eau les agens du creusement des vallées : ce sont, au contraire, les vallées qui, en se creusant peu à peu par le travail de nivellement des eaux cachées, arrivent à produire les cours d’eau.

La nappe superficielle agit d’une manière continue, dissolvant et entraînant ce qui est soluble et fin, déchaussant ce qui est plus résistant et lourd, et, en conséquence, variant d’allure à chaque instant, remaniant sans cesse aussi les produits charriés et leur imprimant une structure caractéristique.

On nous permettra d’insister sur ce fait singulier qu’on ne s’est avisé que tout récemment de soumettre la structure du « diluvium » à un examen attentif. Cet examen, en montrant avec quelle délicatesse chaque grain constituant est placé dans une situation déterminée, a suffi pour faire définitive justice de toutes sortes de suppositions, d’après lesquelles des actions violentes et exceptionnelles seraient intervenues dans le creusement des vallées. Nous avons la preuve désormais qu’ici encore l’allure des phénomènes a été continue, depuis les temps où les circonstances ont été favorables au creusement de vallées, et nulle part on ne saurait trouver un appui plus décisif aux doctrines actualiste et activiste.

Il y a lieu, en effet, comme dans plusieurs circonstances précédentes, de substituer la conception de phénomènes successifs en des points voisins les uns des autres, à celle d’actions brusques et simultanément relatives à des surfaces étendues. Le cours d’eau fluviaire se déplace lentement dans un sens transversal à la vallée qui le contient, en conséquence des variations locales de la nappe aqueuse dont il n’est qu’un détail, et il exerce ainsi son action dénudatrice spéciale sur une zone dont la largeur peut être bien des fois supérieure à la sienne. En se déplaçant, il transporte horizontalement les filets qui, dans sa masse, sont animés de vitesses parallèles différentes et avec eux,