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exemples classiques du dirt-bed de l’île de Portland, et des forêts, enfouies debout, dans le marbre carbonifère des falaises du Cap Breton : exemples dont l’histoire nous est complètement révélée par l’affaissement actuel de nos côtes de Basse-Normandie et de Bretagne sous les eaux de la Manche, qui vient étaler ses sables sur le sol non modifié de forêts submergées.

Mais ce sont là des exceptions si rares qu’on serait autorisé à les négliger tout à fait, et il faut reconnaître que la reprise de possession par la mer d’un territoire où s’était plus ou moins longtemps établi le régime continental, s’accompagne d’ordinaire d’un écroûtement du sol où disparaissent la terre végétale et ses accessoires.

Or, — et c’est une découverte dont les conséquences seront importantes, — il se trouve que le fait de constituer une région exondée se traduit, dans bien des cas, par une modification progressive du sol qui peut s’étendre à plusieurs mètres de profondeur, persistant malgré de nombreuses influences postérieures et constituant dès lors un trait permanent du faciès.

Pour le comprendre, il suffit de se pénétrer de l’un des phénomènes les plus activement réalisés de la physiologie tellurique, dans tous les pays soustraits au recouvrement océanique et dont l’agent effectif est la nappe aqueuse tombée directement du ciel et infiltrée dans les matériaux perméables de la surface : cette nappe d’eau, que nous avons montrée contribuant à appauvrir les anciennes formations de leur calcaire et qui, encore, y agit surtout par décalcification.

La pluie, chargée, comme on sait, de l’acide carbonique et de l’oxygène dissous que lui a procurés son passage dans l’atmosphère, arrive dans le sol avec des énergies chimiques variées : elle corrodera et entraînera les matières calcaires ; elle peroxydera les substances ferrugineuses. C’est ainsi qu’une région continentale subira nécessairement, pourvu que son sol superficiel ne soit pas tout à fait imperméable, les deux effets associés de la décalcification et de la rubéfaction.

On rencontre des localités, par exemple dans le département de l’Orne, non loin de Mortagne, où cette action s’est continuée au travers du sol sur plus de vingt mètres d’épaisseur : des couches initiales de craies, très variées dans leur composition, se sont réduites, par voie de dénudation souterraine, à des assises très minces, mais très exactement superposées les unes