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Certes, Lyell a, dans ce genre d’études, rendu un immense service, et on sait combien les idées saines qu’il a prêchées ont gagné à la manière alerte et agréable dont il a su les exposer. Toutefois, il ne faut pas oublier que Constant Prévost a sur Lyell ces deux supériorités : de l’avoir devancé et d’avoir conçu une théorie bien plus large et bien plus féconde que la sienne. C’est seulement à la forme peu séduisante de son enseignement qu’il faut attribuer l’état d’oubli relatif dans lequel on l’a maintenu trop longtemps.

D’après Constant Prévost, les diverses périodes géologiques se ressemblent très intimement par l’ensemble des phénomènes qui s’y sont produits, et les différences principales des unes aux autres tiennent à l’âge inégal du milieu pour chacune d’elles.

La résistance contre l’actualisme a été des plus énergiques, même parfois désespérée, et il est facile de montrer que beaucoup de géologues du plus grand mérite sont encore portés à attribuer aux agens des temps passés des qualités toutes spéciales.

Il en est, par exemple, qui pensent que l’atmosphère a présenté une composition exceptionnelle : ainsi, à l’époque carbonifère, elle aurait été beaucoup plus riche en acide carbonique qu’elle ne l’est aujourd’hui ; et c’est tout au plus si l’on consent à reconnaître que la physiologie de végétaux intimement comparables aux nôtres ne saurait s’accommoder de doses quelconques de ce gaz. D’autres sont d’avis qu’à un certain moment, d’ailleurs peu éloigné de nous (relativement et selon la chronométrie géologique), la plus grande partie de la surface terrestre était recouverte de gigantesques glaciers dont l’inlandsis groenlandais n’est qu’une reproduction très amoindrie. De même, plus d’un auteur est porté à penser que les fleuves et les autres cours d’eau ont eu primitivement des dimensions bien des fois supérieures à celles que nous leur voyons actuellement et expliquent par leur moyen la production, en un temps très court, des accidens de la surface du sol dans un grand nombre de régions. Il y en a qui n’hésitent pas à doter telle ou telle mer géologique de compositions chimiques très anormales, sous le prétexte que des roches, appartenant à ces périodes par leur position dans la série générale des terrains, renferment des substances particulières : ainsi, la mer sénonienne aurait eu des eaux chargées de phosphate de chaux ; les flots de la mer toarcienne étaient