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des partages et même plus d’un souci. Je porte la peine de toute ma vie antérieure, en arrivant aux saisons déjà nues, auxquelles j’étais si peu préparé. Je ne sais rien absolument de nouveau sur Mickiewicz, n’ayant pas vu M. Cousin depuis près d’un mois. L’autre soir, par le beau Paris d’été un peu désert, et en veine de souvenirs, je me suis acheminé vers Emile Deschamps, que je n’avais vu depuis des années, je crois. Je l’ai trouvé seul avec sa femme, devant un grand tiroir plein de vers et les limant. Nous en avons lu, nous avons causé du passé et du présent, c’est-à-dire de vous ; j’ai récité de mémoire ceux de vos vers que je sais (j’en sais, chère Madame) ; enfin, il était onze heures et un quart du soir que je ne songeais pas à m’en aller. Mais en voilà pour un an ou deux peut-être encore. De Vigny est décidément à sec, en pure adoration stérile de lui-même et de ses sept volumes d’Œuvres complètes qui ne bougent de dessus sa table. Le second article de M. Vinet sur Hugo m’a plu bien mieux que le premier. Mme Sand passe au communisme, à la prédication des ouvriers : son futur roman sera, je le crains, dans ce sens.


« Musset fait des vers charmans et semble redevenu un homme bien portant en même temps que son goût est de plus en plus sain. La Colomba de Mérimée est un chef-d’œuvre qui a réuni ici tous les suffrages. On n’a parlé que de cela durant quinze jours en tous lieux. Je ne connais rien de lui de si beau, de si parfait, de si fin : n’en pensez-vous pas ainsi ?

« Envoyez à M. Ruchet tous mes respects en diète s’il y est encore, mes humbles et respectueuses tendresses à Mlle Sylvie, pour peu qu’elle les reçoive. Faites-en autant, selon les mesures et les proportions que vous savez, pour Mme Régnier, Mm<s Forel, Mlle Herminie, Mme Hare, Mme Clara.

« Je salue bien respectueusement vos bons parens d’Eysins, M. Urbain et sa femme, tous enfin. Dites-moi des dialogues d’Aloys et de Doudou, s’ils en font encore. Lèbre vous viendra cette fois, j’espère.

« Quant à nos amis moins rapprochés et dont je pourrais faire l’énumération, soyez assez sûrs que je ne les oublie pas, pour leur faire mes complimens à la rencontre.

« A vous, chère Madame et cher Olivier, de tout cœur. »