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Je n’ajoute rien, mais alors j’ai ajouté beaucoup comme vous pouvez croire ; je lui ai parlé du Sapin et de la chanson sur les beaux jours envolés[1] : c’est mon refrain quand je parle d’Olivier, parce qu’en deux mots cela le déclare grand poète. Je lui ai cité la dernière strophe. Elle m’a dit qu’elle voudrait avoir le tout. J’ai répondu que je vous demanderais toute la chanson. Ainsi le cher Olivier me l’adressera à son intention, et non sans une fleur bleue, s’il lui plaît[2]En somme, j’ai été content de la revoir très simple, pas folle, pas hautaine, avec ses bons instincts, et décidée à être sage désormais, m’a-t-elle dit, car il est grand temps. Cela fait tomber bien des calomnies et de sottes paroles de revoir tout simplement les gens qu’on a sincèrement aimés et qui ont eu quelque affection pour vous, pourvu toutefois qu’il n’y ait pas eu l’irréparable entre vous.

« Je griffonne incroyablement, mais je suis accablé d’épreuves de mes Poésies et de Volupté[3]qu’on réimprime, et je veux que cette lettre vous arrive par le courrier d’aujourd’hui, pour vous porter, chère Madame, toutes mes affections et mes espérances, et tous les vœux d’une pensée qui n’a jamais cessé de courir vers vous à travers les silences et les absences.

« Je vous embrasse tous et Lèbre. »

  1. C’est la pièce des Vieux Chênes qu’on trouvera plus loin et dont chaque strophe se termine par le vers :
    Le souvenir des beaux jours envolés.
  2. . Après avoir reçu l’ode d’Olivier sur les Vieux Chênes, George Sand lui écrivit : « Je suis bien heureuse, monsieur, de l’aimable indiscrétion que Sainte-Beuve a commise en vous disant ma méprise à votre égard, puisqu’elle me vaut de charmans vers et l’envoi de la belle ode sur les Vieux Chênes. Recevez-en tous mes remerciemens de cœur. » Lettre du 12 mars 1840.
  3. On s’est demandé souvent pourquoi Sainte-Beuve avait donné à son roman ce titre de Volupté, qui a l’inconvénient, de son propre aveu, « de ne pas s’offrir de lui-même dans le juste sens, de faire naître à l’idée quelque chose de plus attrayant qu’il ne convient. » Il a dit lui-même dans la préface que ce titre, ayant été d’abord publié à la légère, n’avait pu être ensuite retiré. S’il faut en croire les Lettres de van Engelgoum (Jules Lecomte), pamphlet belge publié en 1836, ce serait l’éditeur de Sainte-Beuve, Rendue ! par conséquent, qui aurait baptisé ainsi le roman longtemps avant qu’il vînt au monde. Renduel demandait tous les jours à Sainte-Beuve le titre de l’ouvrage qu’il avait en train pour pouvoir l’annoncer d’avance dans son catalogue, mais Sainte-Beuve, peu pressé, ne s’exécutait pas. A la fin, pourtant, fatigué des importunités de Renduel, il lui aurait dit : « Mettez le titre que vous voudrez. Quand le livre sera fait, je prendrai le titre qui me conviendra. Et, pendant près de deux ans, Renduel annonça Volupté comme étant sous presse ou pour paraître prochainement, si bien que Sainte-Beuve finit par accepter ce titre. Volupté fut mis en vente le 19 juillet 1834, sans nom d’auteur.