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celui de la Russie. Le Japon a eu beau marcher à pas de géant, il n’a pu, en un quart de siècle, égaler une civilisation vieille de deux cents ans. De plus, son territoire est pauvre en maints endroits : la surface cultivable ne représente qu’une partie de la superficie totale : les rizières sont en majorité. C’est la mer qui fournit à la population une bonne partie de son alimentation, composée essentiellement de riz et de poisson. L’industrie minière a fait de rapides progrès : de 1886 à 1904, la production de l’or a quintuplé, celle de l’argent doublé, celle du fer quintuplé, celle du charbon septuplé, passant de 1 300 000 à 9 millions de tonnes ; celle du pétrole, qui était pour ainsi dire nulle, a été en 1901 de près d’un million de koku, soit 180 millions de litres. Le gouvernement s’est fait industriel ; l’Annuaire officiel ne mentionne pas moins de 26 établissemens exploités par lui, dans les ordres les plus divers : manufacture de laine, arsenaux militaires et navals, fabrique d’articles pour le service dés télégraphes et des phares, monnaie, poudre, papier, manutention militaire, imprimerie nationale, et autres. Le nombre des filatures de coton a passé, entre les années 1888 à 1901, de 24 à 81, et celui des broches, de 114 000 à 1181 000 ; les salaires ont à peu près doublé ; les exportations quadruplé, les importations triplé. La longueur des chemins de fer, le tonnage de la marine marchande, les dépôts dans les banques ont progressé avec une rapidité dont on ne retrouverait l’équivalent qu’aux Etats-Unis, à certaines époques de leur histoire.

Mais quelle est la solidité de cet édifice, en apparence brillant, et comment en particulier, — car c’est là proprement l’objet de notre étude, — les finances japonaises se comporteront-elles au cours des épreuves qu’elles vont avoir à affronter ? Nous les avons vues jusqu’ici faire relativement bonne figure. Les succès maritimes et la réussite du passage du Yalou sont venus fort à propos stimuler le zèle des Anglo-Américains et faire souscrire le dernier emprunt 6 pour 100. Que se passerait-il si la fortune des armes se retournait ? si le général Kouropatkine, ayant réuni des forces suffisantes, prenait à son tour l’offensive et faisait reculer l’envahisseur de la Mandchourie ? si le raid maritime brillant de l’amiral Bezobrazof avait un lendemain et si, non content d’avoir détruit plusieurs transports japonais, il menaçait sérieusement les communications avec la mère patrie des armées débarquées en Corée et en Mandchourie ? Nous nous