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d’environ 6 pour cent. Les porteurs des bons ont un droit de préférence à la souscription de tout emprunt en rente consolidée que la Russie émettrait avant l’époque assignée à leur remboursement.

Cette opération, qui augmente d’un vingtième à peu près la dette, n’a pas laissé que de peser sur le cours des fonds russes. Ceux-ci avaient naturellement subi une atteinte dès le début des hostilités. Le 4 pour 100, qui est le véritable étalon du crédit russe, parce que la plus forte partie de la dette tant intérieure qu’extérieure est constituée en ce type, avait perdu le pair, aux environs duquel il se tenait auparavant, et avait été ramené à 96 à la veille de la guerre. Ce cours ne put être maintenu lors des premiers désastres maritimes ; il fut ensuite regagné grâce à des déports sévères infligés aux spéculateurs (le déport est l’amende que le vendeur à découvert d’une valeur paye pour se procurer temporairement le titre qu’il n’a pas encore racheté), et reperdu lors des premiers bruits d’emprunt. Quand ce dernier fut annoncé d’une façon certaine, les offres de rentes 4, 3 1/2, 3 pour 100 se multiplièrent, puisque tous ces fonds, aux cours encore cotés, par exemple, le 30 avril (consolidé 4 pour cent 91 ; 3 1/2 pour cent 81 ; 3 pour cent 74), rapportaient un revenu très inférieur à celui des nouveaux bons. Quelle que soit l’importance des capitaux flottans sur la place de Paris, il n’en existe pas pour 800 millions ; et ce n’est qu’en procédant par arbitrages, c’est-à-dire en réalisant une partie des anciennes rentes russes et d’autres valeurs étrangères qu’ils avaient en portefeuille, que nos capitalistes ont absorbé cette quantité considérable de nouveau papier. Néanmoins il convient de constater la facilité et la rapidité merveilleuses avec lesquelles le classement de ces bons s’est opéré : le marché français a donné une fois de plus la mesure de sa puissance ; c’est tout au plus si un huitième du nouvel emprunt, soit une centaine de millions de francs, a été souscrite par des capitaux étrangers.

Après cinq mois de guerre, l’étiage du crédit russe a baissé d’un cinquième environ : là où il trouvait aisément des prêteurs à 4, il est obligé de payer 5 pour 100. Si la guerre se prolonge, il est à craindre que les taux ne s’élèvent encore : c’est une règle à peu près générale qu’au cours de longues campagnes, les capitaux se détruisant sur une échelle de plus en plus considérable, les emprunteurs soient obliges de consentir des sacrifices