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véritable formule de la religion et de l’esprit chrétien : mais un jour viendra où le grain confié à ses soins germera, et où le monde entier en recueillera les fruits ! »

Vient ensuite le révérend Maxwell, le père du jeune homme dont miss Walsh nous a dit la maladresse au jeu de croquet. Pour le pasteur Maxwell comme pour l’évêque de Glastonbury, l’Église d’Angleterre est « seule à détenir la véritable formule de la religion et de l’esprit chrétien : » mais à cela se borne, absolument, la ressemblance de son dogme avec celui de l’éminent prélat. Pour lui, les prétentions de la science et de la critique doivent être rejetées en bloc : transiger avec elles, c’est s’exposer à perdre tout contact avec la vérité du Christ. Et, du reste, ces prétentions n’ont qu’une importance médiocre, et ce n’est point la science ni la critique qui sont un danger réel pour la vraie religion. L’unique ennemi de celle-ci, c’est l’idolâtrie romaine, incarnation vivante de l’Antéchrist : et le bon chrétien n’a pas de plus saint devoir que de lutter contre elle.

Le pasteur et chanoine Morgan, lui, est de vues plus libérales. « Les miracles, dit-il, ont heureusement fait leur temps, et il n’y a plus personne qui prenne au sérieux les affirmations historiques des deux Testamens. La Résurrection, l’Ascension, nous savons tous que ce sont des légendes, ou encore des symboles : et que le véritable christianisme ne consiste pas à tenir pour vraies des fables désormais annulées par la science, mais bien à comprendre l’esprit du Christ, et à le faire vivre dans son cœur. C’est ce que, seule, l’Église d’Angleterre a aujourd’hui le mérite de comprendre et de proclamer. Elle seule concilie la science et la foi, la connaissance et la charité. »

Enfin, le soir, quand ces trois représentans de l’Église d’Angleterre s’en sont retournés à leurs hôtels, les invités de Rupert Glanville voient arriver une façon de capucin, le Père Skipton, ancien lauréat de Cambridge, et célèbre, dans sa jeunesse, pour son remarquable talent d’acteur de salon. Le Père Skipton ne prend même pas la peine de prêcher : il fait allumer des cierges, dans l’oratoire, fait brûler de l’encens et invite son auditoire à chanter avec lui des litanies de sa composition, ayant pour objet de mettre l’Angleterre sous la protection spéciale de la Vierge Marie. « Mais, lui dit-on, qu’est-ce donc qui vous empêche de vous joindre décidément à l’Église de Rome ? puisque, aussi bien, vous reproduisez toutes ses pratiques, et que vous vous appropriez toutes ses doctrines ? » Mais le Père Skipton ne l’entend pas ainsi. « Les doctrines et pratiques auxquelles je présume que vous faites allusion, — dit-il, en se défaisant pour un moment de sa