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IV


Je rêvais sous l’arceau de la nuit claire et lisse :
La Mort m’a pris le bras,
Elle m’a dit : Tu bois la vie et ses délices,
Et pourtant tu mourras.

Un étrange, effrayant et douloureux mystère
Gèlera tout ton sang…
Ah ! le bruit aplati et lourd que fait la terre
Quand un corps y descend.

On te laissera là ; peut-être la nuit même
De cet enterrement,
Sur toi qui fus si douce et d’une ardeur extrême,
Il pleuvra froidement,

Tu dormiras d’un long, épouvantable somme,
Qu’aucun songe n’émeut.
Tes yeux qui se couchaient dans le regard des hommes,
Seront seuls tous les deux.

Tes délicates mains où d’autres mains entrèrent
Pour de si vifs émois,
Sentiront s’infiltrer quelques grains de la terre
Par les fentes du bois.

Là-haut, sur la suave plaine, il fera rose,
Il fera doux et bleu.
Au cœur du lis ouvert, juillet, ô sainte chose,
Déposera son feu.

Tu dormiras dans l’ombre, et ta petite gloire
Assise eu ce tombeau,
Ne fera pas ta nuit moins secrète et moins noire,
Ne te tiendra pas chaud.