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Vous qui vous ouvriez comme un bourgeon étroit
Que l’été gonfle, écarte, écrase ;
Qui fûtes pleines d’âme et d’orgueil, et parfois
Pleines de petites extases.

— Mes mains qui balancez l’azur, l’espoir, l’effort
Comme des cloches bleues qui sonnent,
Et qui servez aussi la Gloire aux lèvres d’or,
La douce immortelle personne…


III


Été ! sommeil, silence et doux bourdonnement.
Dans la chambre aux murs clairs, par le store charmant,
Le soleil abondant et large entre et dévie.
Instans où la vie est plus douce que la vie !

Où le cœur ne sait plus ce qu’il veut, ce qu’il doit,
Où l’on ne peut tenir son âme entre ses doigts,
Pas plus que l’ombre étroite en sa faible fumée
Ne peut garder l’Aurore amoureuse enfermée…

— Les ailes de Juillet palpitent au plafond,
Des danses de soleil se font et se défont
Sur les murs, sur les chers rideaux verts en cretonne,
Toute la chambre luit, et le parquet rayonne.

Près du divan, où l’air est tiède et replié,
La fleur que l’on a prise au beau magnolier
Avec un fort parfum de pomme et de verveine
Épuise lentement le sucre de ses veines,

Hélas ! pourrez-vous bien durer pour nous toujours,
Parfaits enchantemens des étés doux et lourds,
Supplice du bonheur et des extases lentes,
Supplice d’être inerte et chaud comme des plantes,

Supplice de trop dame et de trop de clarté,
Eté ! luxurieux et langoureux été,
Qui cachez votre plus alanguissante flèche
Dans cette odeur des nuits soudain calmes et fraîches…