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Les rosiers emplis d’ombre et d’insectes légers,
L’inexprimable odeur du divin oranger,
Avec le cœur penchant et le fervent malaise
De sainte Catherine et de sainte Thérèse…


II


Mes mains ont la douceur, la chaleur et l’éclat
Des mousses tièdes sous les fraises ;
Elles sont quelquefois comme un bol délicat
En porcelaine japonaise.

Pour avoir tant touché les choses des forêts
Avec des caresses légères,
Elles ont conservé dans leurs dessins secrets
Le corps des petites fougères.

Mes mains, pour le plaisir qu’avec vous je cherchais
En vous enfonçant dans des roses,
Vous êtes tous les jours comme deux beaux sachets
Où l’odeur du monde repose.

Mais pour les durs tournions que vous avez connus
En vous appuyant sur ma tête
Les soirs où notre cœur était saignant et nu,
Ah ! quelle peine vous me faites ;

Et vous serez un jour, mes douces mains, mes doigts,
Glacés comme la blanche opale,
Comme un morceau d’hiver qui meurt au fond des bois,
Et comme deux petites dalles.

Vous ne tiendrez plus rien, vous en qui le soleil
Se glissait et se plaisait d’être ;
Vous qui jouiez avec l’aube et l’été vermeil
Sur le devant de la fenêtre.