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les chorfa bénéficiaient déjà, sous les Mérinides, en vertu de dahirs nominatifs, fut étendue aux tribus makhzen, et les diverses zaouïas obtinrent successivement la même faveur. La naïba continue à peser sur la plèbe, taillable à merci, des tribus non privilégiées ; c’est devenu un impôt fort arbitraire dans sa perception et dont le makhzen exige le paiement, quand il le juge à propos, soit qu’il le réclame de toutes à propos d’une expédition chérifienne, soit qu’il l’impose à une tribu isolée, en punition de quelque méfait. La naïba, dont l’unité, prévue au registre, peut être doublée selon les besoins de l’Etat, se paie en nature ou en espèces ; la daïra est la contribution en argent, la koulfa l’apport de bêtes de somme, paille, orge et bœufs pour la fabrication de la viande conservée. La naïba est intermittente et doit être acquittée en sus de l’achour et du zekkat, qui sont annuellement perçus.

En outre du registre fiscal, le makhzen détient un registre des obligations militaires, dont l’idée première remonte à Moulay-Sliman, qui se mit à envisager la réforme de son armée, lors de la dispersion des Bouakhar. Ce furent Moulay-abd-er-Rahman et ses successeurs qui donnèrent à ce registre sa forme actuelle. Il contient la liste de toutes les tribus soumises et le contingent que chacune d’entre elles est en mesure de fournir, en fantassins et en cavaliers. Les fantassins sont destinés au recrutement de l’armée permanente, les cavaliers sont les nouaïb, convoqués dans le seul cas de harka, par appel chérifien.

Chaque caïd reçoit une copie des registres fiscaux et militaires, en ce qui concerne les obligations de sa propre tribu, et il est responsable vis-à-vis du makhzen de la façon dont elle les remplit. C’est un principe de la politique makhzen de faire en sorte que le compte de chaque caïd reste débiteur, en argent et en hommes ; on pense influer ainsi sur leur docilité, par la constante menace du règlement de l’arriéré. Le makhzen cherche, d’ailleurs, à laisser aux tribus le moins de ressources possible, de peur qu’elles ne les emploient à l’achat de chevaux et d’armes, car il est de règle, au Maroc, que la révolte y soit la conséquence de la prospérité. Si quelque caïd s’attardait trop dans ses obligations, ou faisait mine d’indépendance, le pouvoir central commencerait à s’inquiéter de son attitude. Il n’est pas d’usage que les chefs des tribus entretiennent des représentans auprès du sultan. A moins qu’ils ne soient appelés à la Cour, soit en cas de