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tout instant, si grande et si pesante qu’elle soit, l’avoir, comme on dit, « dans la main » et, au bon moment, la lancer toute d’un seul effort, d’un seul élan ; c’est le comble de l’art et le comble des vœux du moderne démagogue, dont M. Chamberlain est un bel exemplaire.

Pour prendre et maintenir le contact, il a les réunions fréquentes, partielles et plénières, des comités de quartier et du comité central ; pour stimuler et entretenir le zèle, il a les publications de tout genre et de tout format : la brochure, la feuille volante ou leaflet, l’image, que savent lire même les illettrés ; pour soutenir et exalter la foi, il a ses fanatiques, prêts à foncer, physiquement et matériellement, du poing et du pied, sur les adversaires. Si ses réunions ne le satisfont qu’à demi, il envahit et disperse celles des autres ; s’il convoque inutilement des électeurs mous ou récalcitrans, qui ne se dérangent pas, il se dérange ; dans l’obligation qu’il s’est faite de répandre le Coran de son parti, si la montagne ne vient pas à lui, il va à la montagne ; il a sa troupe de lecturers, conférenciers et missionnaires ; il a ses compagnies ambulantes, ses travelling societies, et son chariot roulant, son travelling van, accessoire nouveau de la prédication politique que nous vîmes un jour apparaître, avec le général Mac-Adaras, sur les routes de poussière et de soleil de notre Midi : l’Illustre Plate-Forme, après l’Illustre Théâtre !

Tel était « le plan » de Birmingham, partout colporté par M. Chamberlain, M. Schnadhorst et leurs auxiliaires ; et partout, à l’imitation des Six Cents de Birmingham, se fondèrent des « Centaines : » des Deux Cents, des Trois Cents, des Quatre Cents, selon l’importance de la ville. Lorsqu’il y en eut à peu près partout où il pouvait y en avoir, il arriva ce qui devait arriver ; les Associations libérales, ainsi foisonnant, furent instinctivement, invinciblement poussées à se rejoindre, à se grouper, à se souder en une Fédération ; toutes ces « Centaines » locales, à s’additionner en un Millier ou un Million national. Puis, l’organe appelant la fonction, comme il y aurait une Fédération nationale des Associations libérales, désormais aussi il y aurait une Convention nationale du parti, qui serait un Parlement libre et libéral, — entendez le Parlement libre du Parti libéral, — « en dehors de la législature impériale, » en face du Parlement traditionnel et constitutionnel, qui s’opposerait à lui et s’imposerait à lui, parce qu’il serait élu, non pas comme lui, par un suffrage restreint,