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la Cour, pour se réfugier dans quelque koubba et réclamer un nouveau choix. Le caïd, une fois nommé par le makhzen et agréé par les siens, devient un potentat dans sa tribu, où il exerce le même pouvoir absolu que le sultan dans l’Empire ; c’est lui qui désigne ses cheikhs, répartit l’impôt, et recrute le contingent ; c’est lui seul que connaît le makhzen pour l’accomplissement des obligations de la tribu, et c’est avec lui que s’ouvrent une correspondance et une comptabilité.

Le soin de cette correspondance et de cette comptabilité avec les tribus revient à la bureaucratie makhzénienne, qui remplit les diverses beniqas. La correspondance est considérable ; car, même dans les parties les plus reculées du bled-es-siba, il n’est pas de tribu qui ne soit en rapport avec le makhzen. Bien que résolues à se soustraire à son autorité, elles tiennent toutes à garder un contact avec lui et à ne point se détacher complètement d’un pouvoir musulman, qui maintient, aux yeux des étrangers infidèles, le symbole de l’unité impériale. Ce souci ne s’est jamais mieux manifesté qu’au cours de la présente agitation, où il n’est pas une des tribus rebelles qui, tout en le combattant par les armes, ait interrompu ses négociations avec le makhzen. La comptabilité est naturellement plus limitée, car on ne peut entrer en compte qu’avec les tribus soumises.

Les obligations fiscales de ces tribus sont consignées dans un registre, qui fut établi lors de la réorganisation de l’impôt par les Saadiens ; il contient, pour chaque tribu, le relevé des chefs de famille propriétaires, c’est-à-dire le nombre des unités imposables, calculé par tentes, par feux, par fusils ou par étendards, selon les régions. Le prince Almohade Yacoub-el-Mansour avait été le premier à percevoir les deux impôts coraniques, l’achour et le zekkat ; quant à la naïba, c’était, en principe, un impôt supplémentaire, destiné à parer aux frais extraordinaires de la guerre, que les Almohades et les Mérinides avaient déjà commencé de percevoir. Quand le premier Saadien entreprit la lutte contre les Portugais, il demanda une contribution aux gens du Sous, et chacun d’eux dut apporter un dirham. Fort de ce précédent, lors de la constitution actuelle du makhzen, ce fut la naïba qui dut fournir des ressources permanentes pour les dépenses militaires. Elle reçut alors son nom et sa forme définitive. Imposée d’abord à tous, en nature, puis en espèces, elle fut promptement épargnée aux groupes privilégiés : la dispense d’impôt, dont